Vincent BagotJe suis Vincent-Dozhwal BAGOT, Interne de Santé Publique en 8ème semestre à Rennes. Si je suis dans cet article, c’est que j’ai trouvé LE débouché qui me plait actuellement parmi les dizaines que permettent notre merveilleuse spécialité et que j’aimerais partager à ceux qui ont des doutes sur leur futur.

Ma passion c’est l’informatique depuis tout petit. J’ai passé beaucoup de temps à créer des sites web, des jeux vidéos, faire du montage, bidouiller, etc… Les outils numériques ont l’avantage de permettre de concevoir des choses avec très peu de moyen et c’est gratifiant.

J’ai choisi la médecine un peu par hasard. Après un redoublement (bon pour être précis, redoublement de redoublement) de 6ème année car je ne trouvais de spécialité qui me motivait, quelqu’un m’a dit après avoir senti ma passion de l’informatique : « Pourquoi tu ne fais pas santé publique ? ». Au départ, J’avais comme image de la santé publique uniquement les cours de LCA et de responsabilité médicale, pas de quoi rêver mais j’ai depuis changé d’avis ! Et j’ai dit à cette personne « Pourquoi tu ne m’en as pas parlé plus tôt ? ».

J’ai ensuite choisi Rennes pour la proximité avec Paris, l’EHESP et ma famille. J’ai validé un master 2 « Modélisation et traitement de l’information bio-médicale et hospitalière » dispensé par le Pr Cuggia.

Créer son entreprise : Pourquoi ?

Entreprendre, c’est une histoire de choix et d’envie. Choisir de sortir du cocon chaud et rassurant du salariat. C’est avoir envie de donner vie à ses idées et savoir chaque matin pourquoi on se lève. C’est pouvoir choisir de travailler chez soi, en Polynésie, en co-working à Paris entouré de gens stimulant ou dans ses propres locaux. C’est avoir l’occasion de rencontrer les gens qui décident vraiment.

Cela permet de se donner les moyens de faire avancer les projets plutôt que simplement les imaginer. C’est une vision bien différente de celle de l’employé qui globalement fait ce qu’on lui demande.

C’est aussi créer de la richesse, des emplois, de la valeur. Cela permet aussi d’accéder à des ressources (matérielles, humaines, réseaux) qui ne seraient pas accessibles autrement.

J’attire votre attention sur le fait que ce n’est pas pour l’argent qu’il faut créer son entreprise. Le dirigeant est la dernière personne à se payer ! Et cela prend parfois du temps… Neuf start-up sur dix ferment boutique au bout de trois ans (principalement car les fondateurs ont essayé de vendre un produit sans demander aux utilisateurs si ça leur était utile, parce qu’il y a eu un clash entre les associés, ou que les fondateurs n’avaient pas prévu les taxes arrivant en troisième année..).

Il n’est jamais trop tard pour créer son entreprise. La moyenne d’âge des créateurs de start-up est de 35 ans. Il s’agit principalement d’anciens salariés qui ont de l’expérience, qui ont remarqué un besoin et qui décident de créer, avec l’appui du chômage qui assure un esprit serein !

Entreprise ou start-up ?

Le mot start-up est aujourd’hui repris à toutes les sauces car c’est une mode comme un autre. Mais c’est quoi en vrai ?

Une start-up est une entreprise qui propose une innovation (technique avec un nouveau produit, ou d’usage en proposant un nouveau type d’utilisation ou un service complémentaire). Elle a un modèle économique incertain (un studio de jeu vidéo par exemple ne rentre pas dans ce critère car le mode de vente est connu). Elle a un business model « scalable » (c’est-à-dire que la mise à grande échelle va couter de moins en moins cher).

Un exemple de start-up est Uber : une innovation autour de l’usage de la voiture, un business model sous forme de commission qui a évolué plusieurs fois, et un coût initial important mais qui est maintenant très faible pour s’étendre à d’autres villes.

Logos

Quel est l’intérêt dans notre parcours ?

Je ne sais pas si vous avez lu les compétences que nous sommes censés acquérir dans notre cursus, mais certaines peuvent être apprises et expérimentées en créant sa boite : manager une équipe, déléguer, gérer un projet, trouver des financements, créer et tisser un réseau, mais aussi apprendre à communiquer à l’écrit ou à l’oral auprès d’un public, des professionnels ou encore des politiques. Arriver à faire émerger son propre projet et à le vendre est assez grisant car ce projet vous implique réellement de A à Z.

Euh mais c’est du privé ça, c’est pas très « Santé PUBLIQUE »!

Beaucoup d’internes ont une vision négative du privé. Je l’ai eu aussi en tant qu’externe en observant d’un mauvais œil l’industrie pharmaceutique. Une fois « de l’autre côté », on se rend compte que sans public, on ne vend rien. Il faut bien qu’il y ait un acheteur. Et pour que les gens achètent, il faut répondre à un vrai besoin. Le privé permet de concevoir de l’innovation et de la richesse avec une puissance et une rapidité supérieur au public, notamment dans les petites structures de type start-up qui ont moins de contraintes. Etre du côté privé me permet potentiellement de répondre à des appels à projet avec des laboratoires de recherche ou encore de financer une partie d’un séminaire régional, choses que je ne pourrais pas faire en tant que simple salarié du secteur publique.

Tu m’as presque convaincu, mais ça doit être compliqué de créer son entreprise ?

Non ! Si vous proposez simplement du conseil et des productions réalisées par vous seul sans matériel, le statut d’autoentrepreneur est quasiment gratuit (200€ par an), s’active en une semaine sur internet, et vous permet de créer des factures avec un numéro SIRET sur lesquels vous paierez environ 25% de taxes.

Besoin d’aller plus loin ? Il faut créer une vraie entreprise type SAS (Société par actions simplifiée) ou SARL (Société à responsabilité limitée). Il faut prévoir 1000€ pour la création, 1000€ de comptable par an, et selon votre projet un capital de 1000 à 10 000€. Les taxes sont alors importantes de l’ordre de 50 à 60%. (pour vous payer 1000€ de salaire net, il faut facturer 2000€ !)

Pas d’idées ? Il y a tellement de choses à faire et améliorer ! Cherchez sur internet pour vous inspirer, ou trouvez simplement un associé qui a déjà une idée et qui a besoin d’aide.

Le moment clé est le premier client qui paye ! Ensuite, il faut faire des ajustements en continu jusqu’à arriver au moment où vous pourrez vous payer un salaire !

Mais toi, pourquoi tu as créé ?

Développeur et graphiste en autodidacte par passion, j’ai constaté qu’il y a souvent des incohérences dans l’ergonomie des outils numériques en santé comme les logiciels médicaux, des soucis de communication avec des affiches faites sous Word et des sites web d’hôpital inadaptés. Je me suis dit que ma double compétence Médecine + Geek pouvait apporter une interface entre les besoins et l’offre. Mon objectif en aidant à la réalisation d’outils numériques de manière intelligente est de soigner grâce à l’ensemble de mes projets plus de patients ou de prévenir plus de maladies que ce que je n’aurais pu faire en tant que médecin généraliste.

Journée de prestation au Groupe Hospitalier St-JosephVous me connaissez peut-être pour la réalisation de la vidéo « Mais qu’est-ce que c’est un médecin de santé publique ? » en collaboration avec le CliSP. Cette vidéo était pour moi indispensable pour bien comprendre cette spécialité un peu floue et j’espère que cela vous a été utile !

J’ai une autre passion : le jeu vidéo. Je ne suis pas un grand joueur mais j’aime en créer. Le jeu vidéo est un outil méconnu comme vecteur pédagogique pourtant c’est comme cela que nous apprenons tous au plus jeune âge ! Le jeu vidéo comporte un aspect ludique qui favorise la sécrétion des hormones de récompense et des émotions et permet ainsi un meilleur apprentissage. Il y a d’autres avantages comme une disponibilité de l’information 24h/24, une capacité à tracer les actions du joueur, une composante aléatoire ce qui permet de rapprocher l’expérience de ce qui se passe vraiment dans la réalité, et même un aspect multijoueur possible. On parle de serious game pour un jeu quand le rapport jeu/pédagogie est équilibré. Vous connaissez tous un serious game : le scrabble qui permet d’apprendre l’orthographe ! J’aimerais dans mes projets combiner la médecine avec les jeux vidéos.

Ok mais c’est quoi ta société et que fait-elle ?

Pierre Parneix, médecin de santé publique président de la SF2H (Société Française d’hygiène hospitalière) m’a fait confiance pour transposer en réalité virtuelle un dispositif de simulation existant : la chambre des erreurs. Ayant besoin d’acheter du matériel et de travailler avec des freelances (mon beau-frère, ma sœur,..), il a fallu créer une entreprise ! Ainsi était né, après beaucoup de réflexion : MEDIPIX. (Dans la suite, je vous présente mes projets, mais l’idée n’est pas de faire une publicité ! Simplement de vous montrer que l’on peut créer plein de choses ! )

Un hôpital virtuel où on peut apprendre de multiples compétences de manière amusante avec juste une tablette Medipix n’est pas une start-up, c’est une entreprise classique qui fait de la prestation de service. L’objectif est d’aider les acteurs en santé à concevoir des outils de communication (sites web, vidéos, application mobile, serious games) avec une double compétence médicale et technique pour gagner en temps et en adaptation au besoin. C’est en gros une agence de communication mais spécialisée en santé.

SIMANGO est un projet enfant de Medipix qui reprend le projet présenté au congrès d’hygiène, en tant que start-up (car ici le modèle économique est flou mais le coût de mise à l’échelle est faible). Il s’agit d’un catalogue de scénarios de formation pour le personnel hospitalier en réalité virtuelle et serious games sur tablette. L’idée est de former tout le personnel hospitalier avec des jeux vidéos ! Actuellement, on a deux scénarios en réalité virtuelle prêts, et un sur tablette. On a déjà vendu pour 20 000€ de prestations (mais pas beaucoup de bénéfices), et on espère prochainement lever des fonds car des concurrents émergent et il faut aller vite et fort.

Un exemple d'erreur trouvable dans la chambre des erreursAyant peur de ne pas avoir assez de travail, j’ai d’autres projets en cours. M-First est une application ludique d’aide à la rééducation post-chirugicale réalisée avec un chirurgien, un kinésithérapeute, et un patient. Une étude prospective débute en septembre. On estime une diminution des séquelles et potentiellement 15 jours d’arrêt de travail en moins. Hospishop estun site e-commerce de vente de produits type affiches et goodies spécifiques pour égayer les hôpitaux sans avoir à faire appel à une agence de communication. J’ai aussi d’autres projets personnels de création de jeu vidéo, et je participe régulièrement à des Start-up week-end, Hackhaton, et Game jam car cela permet en 48h de vivre la vie d’un projet de A à Z (je vous le conseille ! ).

Donc là tu es bientôt riche avec tout ça ?

Non pas du tout. J’avance actuellement ma thèse au centre de lutte contre le cancer de Rennes où j’étudie la mise en place à moyen-terme de la chambre des erreurs virtuelle et son acceptabilité par l’institution, le personnel, et l’impact sur les connaissances. En novembre, mon salaire sera à 0, et mes différents projets ne me payeront pas avant un ou deux ans ! Je pense donc avancer un projet personnel de jeu vidéo, trouver des projets pour Medipix, ou faire du DIM en intérim ! N’hésitez pas à me contacter si vous avez des projets numériques ahah !

Dans le futur, peut-être apporterai-je mon expertise dans une agence de conseil, dans une ARS ou dans un laboratoire pharmaceutique. Tout est possible et il ne faut se fermer aucune porte.

Vincent-Dozhwal Bagot, ISP à Rennes