CP : Pouvez-vous résumer votre parcours ?
FCP : J’ai un parcours un peu particulier. J’ai passé l’internat en 2002 à Paris, en spécialités médicales. J’ai fait un an de clinique (un semestre de rhumatologie et un en endocrinologie). J’ai ensuite fait un hors filière en santé publique puis un droit au remord dans la spécialité. Durant mon internat, j’ai fait un premier semestre dans le service de santé publique du Kremlin-Bicêtre, un semestre au ministère de la santé à la DREES, un semestre au département santé-environnement à l’InVS (aujourd’hui Santé publique France.) J’ai ensuite pris un an de disponibilité avec une bourse afin de faire le M2 « recherche en santé publique » de l’université Paris XI en spécialité « épidémiologie ». Je suis ensuite retournée dans le service de santé publique de KB et mon dernier semestre s’est déroulé dans le service de santé publique de l’hôpital Henri Mondor (où je travaille aujourd’hui).

Après mon internat, je suis partie à Lyon où j’ai exercé en tant qu’AHU au pôle “information médicale-évaluation recherche” pendant 2 ans. J’ai dans le même temps démarré une thèse d’épidémiologie cardiovasculaire avec une équipe Inserm parisienne. J’ai alors eu l’opportunité de revenir à Paris dans le service de santé publique de Henri Mondor en tant qu’AHU. J’ai ensuite été nommée MCU-PH dans ce service pendant 5 ans puis PU-PH l’année dernière.

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CP : Comment sont structurés les collèges universitaires en santé publique ?

FCP : Nous avons deux CNU (Conseils Nationaux d’Université) en santé publique qui nomment les professeurs d’université en santé publique, épidémiologie-prévention-économie de la santé et statistique-biostatistiques-informatique médicale. Je fais partie des universitaires du premier CNU.

CP : Comment devient-on universitaire en santé publique ?
FCP : Il y a des pré-requis réglementaires : il faut avoir une thèse de science, une habilitation à diriger la recherche, avoir fait une mobilité pendant son cursus (avoir en post internat été à l’international ou en France avoir exercé en santé publique dans une autre institution que celle qui vous recrute en tant qu’universitaire, en sachant que les 2 CNU n’ont pas les mêmes exigences à ce niveau-là). Le ministère fixe un minimum de points à acquérir par la bibliométrie : 400 points SIGAPS pour être PU-PH et 200 pour être MCU-PH. Il faut également justifier d’un certain nombre d’enseignements, d’encadrement de travaux, d’une activité hospitalière.

CP : Pouvez-vous nous décrire un peu le métier de PU-PH en santé publique ?
FCP : Être PU-PH en santé publique est une activité variée, partagée en activité de recherche et d’enseignement, ce à quoi s’ajoutent des missions d’intérêt général pour le groupe hospitalier dans lequel on travaille et au niveau national au service des sociétés savantes.
C’est donc un métier très varié, il faut pouvoir effecteur des choses différentes au sein d’institutions différentes, et la difficulté supplémentaire pour notre discipline est notre manque de visibilité. De plus, nous ne générons pas d’activité au sens T2A. Notre activité n’est pas clairement définie au sein du groupement hospitalier, et les activités en rapport avec l’hôpital et l’université peuvent être très différentes. Il faut avoir une capacité d’adaptation et parfois réussir à jongler entre les différentes tâches.


CP : Qu’est ce qui vous a fait choisir une carrière hospitalo-universitaire ?
FCP : Je suis attachée au service public et aux institutions hospitalières et universitaires. Nous avons la chance d’avoir une grande liberté en tant qu’hospitalo-universitaire dans le choix des recherches que l’on mène, des projets que l’on porte, des collaborations que l’on développe. J’aime aussi par ailleurs beaucoup l’enseignement, l’encadrement, c’est pour moi une richesse et je pense que les échanges avec les étudiants nous permettent nous-mêmes d’avancer tous les jours. Enfin, même si je ne suis pas clinicienne, être à l’hôpital me permet de rester proche du terrain, des investigateurs, des patients et de l’organisation de l’hôpital. Il faut voir aussi l’aspect financier, un poste de PU-PH est mieux rémunéré qu’un poste de chercheur.

CP : Voyez-vous des inconvénients à ce poste de PU-PH ?
FCP : Contrairement aux chercheurs des unité Inserm ou au CNRS par exemple, il est vrai que la multiplicité de nos activités nous empêche vraisemblablement d’aller aussi loin dans nos propres projets de recherche. Nous ne sommes pas des chercheurs à temps plein.


CP : Comment voyez-vous l’avenir de la spécialité de santé publique ?
FCP : J’ai travaillé au sein du Comité National Pédagogique, aux côtés de collègues hospitalo-universitaires et d’internes, sur la réforme du 3ème cycle. Je pense que le principe de progression de l’interne au sein du cursus en 3 phases (socle, apprentissage, consolidation) est une bonne chose, afin de forcer enseignants et interne à prendre en compte les connaissances à acquérir. Cette réforme nous a permis de balayer les référentiels de tous les domaines, et nous avons réalisé que beaucoup de domaines de la santé publique étaient peu ou mal couverts par les enseignements académiques. Cette réforme nous permettra d’avoir une plateforme d’e-learning dans ces domaines, afin d’augmenter le niveau global de l’internat et d’avoir des internes de santé publiques, certes spécialisés dans un champ, mais ayant des connaissances larges qui font d’eux des omnipraticiens de santé publique. Nous avons aussi décidé de travailler sur la formation de médecin inspecteur de santé publique, qui est actuellement peu attractive pour les internes de spécialités.

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CH Henri Mondor – Créteil

CP : La réforme du 3ème cycle acte l’ultra-spécialisation des médecins…
FCP : En effet, il y a de moins en moins de passerelles entre spécialités et c’est aussi vrai pour la santé publique. Un des défis pour notre spécialité est de faire valoir notre formation, notre plus-value au sein de milieux très variés. Je comprends donc, dans cette optique, la volonté d’avoir des médecins de santé publique qui aient fait un internat de santé publique, mais sans fermer la porte à des parcours plus atypiques.

CP : Un petit mot pour la fin ?
FCP : Je pense qu’on a besoin de défendre notre spécialité. Elle n’est pas facile parce qu’elle est variée, multiforme en terme de missions, de statut, de professions. C’est très bien qu’on ait un internat de santé publique fort, clair et très qualifiant.
Je pense que la dynamique de la spécialité au niveau de l’offre de postes est très positive, les champs de possibilité sont très variés. Je pense pouvoir affirmer que tous les internes trouveront un poste intéressant à la sortie de leur internat. Il faut cependant être conscient que contrairement aux autres spécialités, les internes de santé publique doivent trouver un emploi. Il faut savoir s’entraîner à faire un CV, passer un entretien d’embauche, savoir se vendre et constituer un réseau. Cela fait partie des pistes à explorer dans la formation de l’interne de santé publique.

Propos recueillis par Camille Petri, ISP à Paris