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D’UNE CRISE À L’AUTRE…
Épidémies, pollutions, dérèglement climati que, amiante, Mediator®… La visibilité de la santé publique fluctue au gré des crises et scandales sanitaires. Avec la pandémie de la Covid-19, elle se trouve plus que
jamais sous le feu des projecteurs. Les enjeux économiques, politiques et de société de la gestion des épidémies s’imposent à l’agenda d’un monde globalisé. Tout un chacun scrute les courbes et s’efforce de déchiffrer le langage de l’épidémiologie. Que faisons-nous de cette précieuse occasion de refonder la santé publique et d’en faire une priorité commune ?
À bien des égards, les crises sanitaires font office de révélateur. Révélateur de l’organisation des systèmes de santé, de leurs forces et faiblesses selon les pays. Révélateur des difficultés à faire circuler informations et connaissances encore non stabilisées, de la complexité de leur transférabilité dans les sphères de décision et d’action. Révélateur d’un senti ment indu de préparation, mais aussi des capacités de mobilisation des acteurs de la santé et du soin, professionnels et associatifs. Révélateur des inégalités sociales et territoriales, de l’influence des déterminants de santé. Les crises sanitaires démontrent ainsi que la santé publique est historiquement construite par tous et à toutes les échelles, de l’individu au
collectif, en passant par toutes les « communautés » de lieux de vie, de travail, de socialisation…

AGIR EN SITUATION D’INCERTITUDES ET DE CONTROVERSES…
Face à la Covid-19, les réponses sanitaires et les mesures consenti es rencontrent de vives critiques. Il est vrai que les fondamentaux de la santé publique ne sont pas toujours été au rendez-vous : faible recours
aux instances de démocratie sanitaire et de participation citoyenne, hospitalo-centrisme, mesures oublieuses des conséquences sur la santé mentale et le suivi des malades chroniques, manque d’ancrage territorial, marginalisation des dimensions éthiques, rareté des débats opposant l’impératif sanitaire à la défense des droits et des libertés. Cette crise exacerbe les faiblesses et les paradoxes de la santé publique. Traumatique, elle se double d’une altération de confiance envers les politiques, mais aussi
envers la parole scientifique ou d’expertise.
Une fois encore, la santé publique est confrontée au devoir d’agir dans l’incertitude et en situation de controverse. Différentes disciplines sont convoquées pour tenter d’évaluer les risques. L’exigence d’agir vite rencontre la temporalité, plus longue, de la production des connaissances scientifiques et de l’articulation des différents savoirs. La nécessité de décider rapidement se heurte aux contradictions qui animent l’espace démocratique. L’incertitude constitutive des « problèmes de santé publique » n’a pas la même signification ni les mêmes implications que l’on soit chercheur, politique, citoyen ou habitant.
Cette dissonance sémantique entraine une polarisation des discours, une accentuation des controverses.

… QUELS ENSEIGNEMENTS POUR LA SANTÉ PUBLIQUE ?
En période de crise, l’un des écueils est de rétrécir la focale alors que la santé est un état multidimensionnel ne pouvant être réduit à un unique aspect. Dans ce contexte, comment déployer des approches intégrant
différentes formes de savoirs et d’incertitudes ? Comment continuer d’agir sur les déterminants sociaux de la santé ? Comment concilier risques individuels et collectifs, enjeux économiques et sanitaires ?
Comment ne pas se laisser obnubiler par les crises et porter une vision globale pour « faire santé » ?
Contraint par le confinement et le respect des gestes barrières, de nombreuses activités de prévention, de promotion et d’éducation pour la santé ont innové en cette direction. S’appuyant sur les outils numériques, de nouvelles formes d’intervention locales ont été inventées ; il est essentiel de les capitaliser en veillant à leur accessibilité pour toutes et tous.
Au demeurant, la crise de la Covid-19 souligne le besoin d’un renouveau de la santé publique.

Le congrès de la SFSP sera l’occasion d’en débattre, interrogeant, entre autres, l’interdisciplinarité, l’apport de la réflexion éthique et des sciences sociales, les modalités pour réinstaurer une vision positive de la santé mettant en balance risques et ressources. Posant conjointement les questions de la responsabilisation et de l’autodétermination ; il abordera le thème de l’autonomie en santé reconfigurée par les technologies digitales. La place des citoyens sera examinée, considérant l’intérêt des approches
participatives et réfléchissant aux moyens pour mener « un débat démocratique de fond ». Ainsi souhaitons-nous investiguer les crises que nous traversons ou anticipons comme source d’opportunités
pour le champ de la santé publique, qui doit profiter des soubresauts actuels pour se transformer et se préparer aux défi s d’avenir.