Santé pub c’est quoi ?

Le plus souvent, lorsque l’on se présente en tant qu’externe voulant choisir la ‘santé pub’ à l’ECN, on a deux types de remarques : la première est du style « Ah…(longue pause avec un visage désolé)…tu veux pas être médecin en fait ?! » et la seconde serait plutôt « T’as raison, moi aussi j’en ai marre de bosser l’ECN » (sic).

Voilà globalement l’image que renvoie la santé publique durant l’externat : une spécialité pour geeks ou déçus de la clinique. Pourquoi ? Tout simplement parce que les tâches de santé publique que l’on apprend durant ces 3 années ne sont pas franchement « sexy » de prime abord et ne reflètent pas sa réalité : des cours de stats plus obscurs les uns que les autres, de la LCA qu’on fait presque à contrecœur « au détriment d’autres matières », des cours avec des profs n’étant pas issus du DES de santé publique pour la plupart, etc. Une autre raison est que, pour beaucoup, « faire santé publique » c’est quelque part faire le deuil de la pratique clinique. Or non seulement certains internes gardent un pied dans la pratique clinique, mais en plus l’interne de santé publique tire aussi sa valeur ajoutée des connaissances cliniques acquises les années précédentes. Et a contrario, ne plus vouloir faire de clinique ne signifie pas que l’on aimerait « faire santé pub » tant cette spécialité est diverse et amène à exercer la médecine différemment.

Effectivement, il n’est pas facile quand on est un D4 – la tête plongée dans les bouquins, une tasse de café d’une main, un anxiolytique de l’autre – de s’imaginer interne de santé publique, tant son image est floue et son domaine vaste. On comprend bien que l’interne de cardiologie s’occupe du cœur, l’interne de médecine interne joue au Dr House, le chir ortho s’entraine à monter sa commode Ikea®… mais que fait l’interne de santé publique à part mater son écran et tapoter sur son clavier ??

Le problème est là. Il n’existe pas un interne de santé publique qui fasse la même chose que son co-interne ! Et pour cause, la « santé publique et médecine sociale », nom complet du DES, est tellement vaste, tellement transversale que son exercice futur est totalement dépendant des souhaits de l’interne. On peut très bien choisir de faire de l’appui méthodologique et de la recherche clinique dans un grand CHU ou bien de l’informatique biomédicale (ah voilà le geek !), de la gestion de projets dans le domaine associatif ou institutionnel (ARS, collectivités territoriales) ou de l’humanitaire (gestion de crise, amélioration des conditions sanitaires), de la politique de santé au ministère ou encore de l’éthique et des sciences humaines. Bref, il n’y a pas un internat de santé publique mais une multitude selon les envies des internes : c’est à lui de le construire. Et ça en vaut la peine, comme nous allons vous le montrer !

Une discipline d’excellence

Faire l’internat de Santé Publique, c’est choisir une filière d’excellence ! En effet, devenir médecin spécialiste de Santé Publique, c’est devenir un professionnel hautement qualifié qui dispose d’un double jeu de compétences :

  • Des compétences médicales acquises au cours des 1er, 2e et 3e cycles d’études médicales (il est en effet possible pour qui le souhaite de poursuivre les stages cliniques durant le DES et de faire des gardes aux urgences).
  • Des compétences en Santé Publique acquises durant l’internat, d’abord transversales puis plus spécialisées:
    • Pour la partie théorique : enseignements universitaires dans le cadre du DES, formations proposées par le CliSP, séminaires nationaux et interrégionaux, très souvent un Master 2, voire une thèse d’université.
    • Pour la partie pratique : une expérience professionnelle majeure grâce aux huit stages d’internat dans des domaines variés de la spécialité.

Un exercice varié et responsable

Faire l’internat de Santé Publique, c’est en effet se munir d’un véritable couteau suisse en matière de santé, afin de pouvoir exercer dans un grand nombre de champs d’activités qui sont regroupés dans huit domaines de compétences :

  • Économie et administration des services de santé, politiques de santé
  • Santé communautaire et internationale
  • Gestion de l’information médicale, informatique médicale, e-santé
  • Gestion de la qualité et de la sécurité des soins
  • Biostatistiques
  • Épidémiologie et recherche clinique
  • Sciences sociales et humaines
  • Sciences de l’environnement et santé

Etre interne de santé publique permet d’acquérir le bagage et la technicité nécessaires à tout médecin expert du domaine sanitaire.

La « spécialité des interfaces »

Ce sont là des domaines de compétences extrêmement variés car justement la Santé Publique est « la spécialité des interfaces », à la jonction entre de nombreuses disciplines et des mondes professionnels habituellement peu en lien. Par conséquent, faire l’internat de Santé Publique, c’est découvrir de nombreuses disciplines, médicales ou non, indispensables à la bonne marche de la prise en charge sociale et sanitaire de la population. C’est exercer en collaboration avec de nombreux professionnels compétents en Santé Publique, médecins ou non, c’est favoriser le dialogue interprofessionnel et s’attacher au respect de la rigueur scientifique et des valeurs éthiques.

Complétée par une spécialisation finale, cette connaissance transversale qui s’étend sur plusieurs disciplines et mondes professionnels (qui trop souvent s’ignorent) constitue justement l’un des grands atouts de la formation d’interne de Santé Publique, tant intellectuellement que sur le marché du travail !

Des compétences prisées

En effet, s’il est un point sur lequel les futurs praticiens de Santé Publique peuvent être rassurés, c’est bien celui-ci : le chômage n’existe pas !

Le challenge que constitue le maintien d’un système de protection sociale et sanitaire efficient dans un contexte de restriction des budgets publics, la multiplication des crises et scandales sanitaires, l’essor de la recherche biomédicale renforcé par les instituts hospitalo-universitaires, le déploiement croissant des systèmes d’information et de l’informatique médicale, le développement des systèmes sanitaires dans les pays émergents : voilà autant d’évolutions de l’environnement sanitaire français et international qui vont nécessiter à court terme (et nécessitent déjà !) d’avoir des professionnels de santé publique bien formés, dont la voie royale est l’internat de Santé Publique.

Un internat tourné vers le monde

Vous l’aurez compris, l’ouverture d’esprit de l’internat de Santé Publique traverse les frontières disciplinaires, mais aussi géographiques : faire l’internat de Santé Publique, c’est également pouvoir se former à l’étranger. L’internat offre aussi dans plusieurs villes la possibilité de faire des stages à l’étranger, en particulier sur des thèmes d’épidémiologie de terrain. De nombreux stages dans des organisations supranationales (notamment à l’OMS) ont accueilli des internes intéressés par la santé publique internationale.

Dans cette même logique de penser la santé au-delà des frontières étatiques, depuis maintenant quatre ans l’association européenne Euronet-MRPH (Medical Residents in Public Health) permet à des internes de Santé Publique européens de se retrouver, d’échanger sur leurs formations, et de favoriser les stages d’internat entre pays européens.

La maquette du D.E.S. :

Maintenant que plus de lecteurs sont intéressés par l’internat de Santé Publique et Médecine Sociale, quelques informations sur l’organisation du D.E.S.. Il se fait en quatre ans et comprend :

  • Des semestres « agréés » : dans des services agréés pour le D.E.S. de Santé publique et médecine sociale, dont au moins un semestre doit être accompli dans un service extra-hospitalier. Avec la réforme de la formation en cours, ce nombre passera de quatre à six semestres agréés nécessaires.
  • Des semestres « libres » : dans des services agréés pour la spécialité ou pour une autre spécialité. Avec la réforme de la formation, ce nombre passera de quatre à deux semestres « libres », afin de renforcer la spécialisation.

Le CliSP : le réseau national des internes de santé pub

Enfin, faire l’internat de Santé Publique, c’est également faire partie d’un réseau d’internes très actif grâce aux associations locales et à l’association nationale : le Collège de Liaison des Internes de Santé Publique (CliSP). Ces associations permettent aux internes de Santé Publique de se retrouver régulièrement pour compléter leur formation, d’échanger sur les possibilités offertes au niveau pédagogique et professionnel, et de créer du lien entre collègues.

Plusieurs événements sont ainsi organisés tout au long de l’année universitaire :

  • Le Séminaire d’accueil des nouveaux internes (SANI) organisé par le CliSP fin octobre : une formation de 2 jours pour accueillir les nouveaux internes, les faire se rencontrer et les initier au vaste monde de la Santé Publique.
  • Le Séminaire national de formation en mars-avril, co-organisé par les internes et les enseignants locaux et nationaux, réunit tous les internes de la spécialité autour d’un sujet de santé publique.
  • Les Journées du CliSP en juillet qui regroupent, en plus de son assemblée générale :
    • Des séminaires thématiques (ex : « Santé internationale » en 2012 co-organisé avec Sciences-Po Paris ou des journées de formation pratique : gestion de projets en 2013, rédaction d’article scientifique en 2014).
    • Un Congrès annuel des internes : présentations de travaux d’internes sous la forme d’une rencontre scientifique.
    • Un Forum professionnel : rencontre et débats entre internes anciens et actuels pour découvrir des pistes professionnelles ou comment atteindre ses objectifs professionnels.
  • Des séminaires interrégionaux.

L’internat de santé publique n’est donc pas un internat comme les autres : il n’est ni unique ni uniforme et il y a finalement autant d’internats que de parcours d’internes. Les champs de compétences acquis durant le D.E.S. composent le couteau-suisse parfait pour un médecin spécialiste de santé publique recherché à l’issue de son internat. C’est un internat riche et passionnant par sa variété disciplinaire et par les compétences qu’il permet d’acquérir pour défendre et améliorer la santé des populations.

« Avant je ne comprenais rien à l’internat de Santé Publique, mais ça, c’était avant. »

Jérôme de Launay et Mickael Benzaqui