Timothée Dub, ISP à Paris.

Le Zika est un arbovirus (arthropod borne virus) de la famille des flaviviridae, comme la Dengue, la Fièvre jaune ou la West Nile Fever. Il a été identifié pour la toute première fois en en 1947 en Ouganda, dans la forêt Zika, chez un macaque rhésus1 avant que les premiers cas d’infections chez l’homme ne soient rapportés au Nigéria en 19542.

 NDLR : Notez que l’article a été rédigé avant le 4 avril 2016 dans un contexte d’évolution rapide des connaissances autour du virus Zika.

Le principal mode de transmission est vectoriel, via les moustiques du genre Aedes […]. Ce sont également eux qui sont porteurs du Chikungunya ou de la Dengue.

Modes de transmission

Le principal mode de transmission est vectoriel, via les moustiques du genre Aedes (Africanus, egyptii ou albopictus). Ce sont également eux qui sont porteurs du Chikungunya ou de la Dengue.

Il a également été rapporté des cas de transmission sexuelle, le plus connu est celui de l’entomologiste américain Brian Foy qui transmit le Zika à son épouse au retour d’un séjour professionnel au Sénégal, ils en ont même écrit un article scientifique ensemble par la suite3. Quelques autres cas ont depuis été observés, notamment aux Etats Unis4 ainsi qu’en région parisienne chez une femme dont le conjoint revenait d’Amérique latine5. Cela reste toutefois anecdotique par comparaison à la voie vectorielle. On notera qu’au moment de la rédaction de cet article (début avril 2016), les transmissions sexuelles documentées ont toujours eu lieu dans le sens homme ➔ femme.

En ce qui concerne le risque de transmission par voie sanguine (transfusion), il est également plausible, le virus a été isolé dans des prélèvements sanguins de donneurs asymptomatiques en Polynésie française6 et un cas de transmission par transfusion, le seul à ce jour, fut également rapporté au Brésil, en Février 20167

L’infection est généralement asymptomatique […] mais peut se présenter sous la forme d’un syndrome viral […] nécessitant dans la majeure partie des cas une prise en charge symptomatique ambulatoire simple.

Symptomatologie

L’infection est généralement asymptomatique (dans 50 à 80% des cas, selon les auteurs), mais peut se présenter sous la forme d’un syndrome viral associant fébricule, éruption cutanée, conjonctivite non purulente, myalgies, arthralgies ainsi que céphalées.

Il s’agit donc typiquement d’un syndrome viral nécessitant dans la majeure partie des cas une prise en charge symptomatique ambulatoire simple.

2007 : Emergence du virus

C’est en 2007, sur une ile d’un peu moins de 12 000 habitants, Yap, états fédérés de Micronésie que fut constatée la première épidémie de Zika, on estime que 75% de ses habitants furent infectés et que 900 individus présentèrent des symptômes imputables au Zika.

On ne rapporta aucun décès, ni hospitalisation dus au Zika au cours de cet épisode.

L’épidémie de Polynésie Française et la survenue de syndrome de Guillain-Barré entre octobre 2013 et avril 2014

C’est à partir d’Octobre 2013 que le Zika refait parler de lui, d’abord à Tahiti, puis sur l’ensemble des archipels du territoire. En 3 semaines, plus de 600 cas de syndromes éruptifs subfébriles sont rapportés. Fin octobre, l’étiologie Zika est identifiée avec certitude.

Début novembre, un cluster de cas de syndromes de Guillain Barré (paralysie ascendante rapidement progressive, fréquemment diagnostiquée dans les suites d’une infection virale) est signalé par le Centre Hospitalier de Polynésie française : Au total 42 syndromes de Guillain-Barré seront rapportés (versus 5 par an), soit une augmentation d’un facteur 17.

Il s’agissait d’une forme spécifique de syndromes de Guillain Barré, de type AMAN : Acute Motor Axonal Neuropathy, avec progression très rapide et une courte période plateau.

Parmi les 42 cas, 16 patients (38%) nécessitèrent une prise en charge en réanimation et aucun ne décédèrent.

L’imputabilité au virus Zika a depuis été prouvée, ainsi que le fait qu’une infection préalable ou conjointe par la Dengue (en pleine circulation à la même époque) n’était pas associé au SGB.

Le risque de syndrome de Guillain Barré sur infection par Zika est estimée à 0.24 SGB pour 1000 infections8.

Suite à cette épidémie, il a été montré qu’en 6 mois, la séroprévalence du Zika en Polynésie française était passée de 0.8% (estimée à partir de celle mesurée chez un échantillon de donneurs du sang9) à 50 à 66% (estimée en population générale10), ce qui montre la vitesse de transmission de cet arbovirus.

Depuis, d’autres pathologies neurologiques aigues ont également été associées au Zika, un cas de méningo-encéphalite chez un patient âgé de 81 ans11 ainsi qu’un cas de myélite aigue chez une jeune guadeloupéenne de 15 ans12.

L’épidémie brésilienne et la découverte d’anomalies du développement.

Au printemps 2015, le virus est détecté pour la première fois au Brésil13, on a longtemps pensé que son introduction dans ce pays remontait à la coupe du monde de football de 201414 mais il a depuis été montré par une étude phylogénétique que le virus circulait déjà sur le territoire lors de cet évènement et avait probablement été introduit au second semestre de l’année 201315. C’est en novembre 2015 que le ministère de la santé brésilien rapporte une augmentation inquiétante du nombre de microcéphalies dans l’état du Pernambuco16. Devant ces informations, les équipes de Polynésie française procèdent alors à une recherche rétrospective de cas passés inaperçus parmi les naissances ayant suivi l’épidémie et retrouvent elles aussi une augmentation préoccupante du nombre d’anomalies congénitales neurologiques17.

Ces nouvelles informations et le nombre important de cas rapportés par les autorités brésiliennes permirent alors de mettre en lumière l’absence de véritable définition consensuelle de la microcéphalie18, le besoin d’une standardisation internationale des données recueillies mais laissa également place à une certaine perplexité dans la communauté scientifique19.

En Février 2016, les médias grands publics reprennent un rapport émanant d’une association argentine20, suspectant la responsabilité d’un insecticide produit par la firme Monsanto et utilisé dans le Pernambuco, état brésilien particulièrement touché. Les principales conclusions de ce rapport ont depuis été infirmées, notamment par le fait qu’on observa des cas de malformations congénitales dans d’autres régions, y compris dans des territoires tels que la Polynésie française n’ayant pas utilisé cet insecticide lors de l’épidémie21, mais surtout par différents travaux publiés aux cours des mois de février et mars 2016.

Tout d’abord, Le 11 février, une équipe de chercheurs lituaniens présente, dans le New England Journal of Medicine,22 une description détaillée d’une grossesse interrompue chez une jeune femme ayant contracté un Zika symptomatique durant un séjour dans l’état du Rio Grande pendant le premier trimestre de sa grossesse. A 32 semaines d’aménorrhée, le suivi échographique de la grossesse montre un fœtus petit pour l’âge gestationnel présentant une microcéphalie, inférieure au second percentile, une ventriculomégalie modérée, tout comme de nombreuses calcifications cérébrales et placentaires. Suite à l’interruption médicale de cette grossesse, l’examen foetopathologique montre comme seule anomalie visible à l’inspection une microcéphalie inférieure au premier percentile, associée à un encéphale de très petite taille, inférieur à 4 déviations standards, des anomalies de la gyration ainsi que de nombreuses calcifications du cortex et des noyaux gris centraux. Enfin l’examen virologie montra la présence d’ARN Zika dans le tissu nerveux du fœtus. Aucun autre flavivirus ni étiologie connue d’anomalies congénitales neurologiques ne fut retrouvé chez ce fœtus.

Le 4 mars, le rapport préliminaire du suivi d’une cohorte de 72 femmes ayant contracté un Zika symptomatique, confirmé biologiquement pendant leur grossesse donne une première indication de l’étendue du spectre des anomalies congénitales retrouvées23 montrant, non seulement la survenue de microcéphalies, la présence de calcifications intracérébrales, mais aussi des cas de morts fœtales in utero.

Enfin, une étude de modélisation mathématique24 menée grâce à la qualité des données médicales polynésiennes permit de déterminer que la période de gestation la plus à risque était fort probablement le premier trimestre et que le fœtus d’une femme enceinte contractant une infection durant cette période avait un risque de microcéphalie de l’ordre de 1% versus 0.02% en l’absence d’infection par Zika.

Certaines interrogations restent donc en suspens, en effet, le risque d’autres anomalies nécessite encore d’être quantifié, tout comme la possibilité de manifestations tardives d’une atteinte fœtale par le virus Zika.

Le premier Février 2016, l’OMS déclara Zika comme une urgence de santé publique de portée mondiale.

Perspectives

Le premier Février 2016, l’OMS déclara Zika comme une urgence de santé publique de portée mondiale25 demandant à ce que les nouveaux foyers de Zika soient déclarés, tout comme ceux de syndromes de Guillain-Barré et de microcéphalies ainsi qu’encourageant le partage de données.

A ce jour, plus d’une trentaine de pays sont touchés et listés par le CDC américain dans ses recommandations en cas de voyage en zone épidémique26.

Les principales recommandations envers la population générale sont la protection anti-vectorielle (port de vêtements longs, utilisation de moustiquaires imprégnées, pulvérisation de répulsifs et éviction des foyers de moustiques) ainsi que de retarder d’éventuels projets de grossesse.

En ce qui concerne les femmes enceintes, plus spécifiquement, il leur est recommandé d’éviter les piqures de moustique, d’avoir des relations sexuelles protégées et un suivi échographique strict de leur grossesse, mensuel dans les départements français des Amériques, par exemple27.

Enfin, on notera qu’à ce jour, il n’existe pas de test de diagnostic sérologique à la fois utilisable en routine et faisant consensus28,29, compliquant ainsi la prise en charge, mais aussi la connaissance physiopathologique détaillée de la maladie. La mise sur le marché de tels tests fait donc partie intégrante des priorités dans la lutte contre le Zika30.

Timothée Dub, ISP à Paris

Remerciements au Professeur Arnaud Fontanet pour sa relecture et ses conseils avisés.

Références bibliographiques

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