Article co-rédigé avec Marie Ansoborlo.

Alors que le gouvernement français s’interroge sur la pertinence de l’application de traçage de l’épidémie dénommée StopCovid, l’Italie, également confrontée à cette situation, semble plus proche de la mise en oeuvre effective d’un tel dispositif. Une application comparable à StopCovid dénommée Immuni a déjà été testée dans certaines régions de l’autre côté des Alpes. Dans leurs multiples prises de parole depuis l’annonce de StopCovid, ni les responsables gouvernementaux, ni le directeur général de la santé (DGS) n’ont mentionné Immuni. 

Dans les deux pays, l’utilisation de l’application, qui repose sur le traçage des contacts des personnes infectées par Bluetooth, sera volontaire. Le développement de l’application est critiqué pour son manque de transparence de part et d’autre de la frontière. En Italie, la société Bending Spoons n’aurait pas respecté les procédures de sélection, selon les Echos. En France, les travaux sur StopCovid sont conduits par l’INRIA (Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique) avec le concours « pro bono » d’entreprises françaises, a indiqué le secrétaire d’Etat au numérique, Cédric O, le 20 avril, sans qu’aucune autre information sur ces entreprises, les critères qui leur ont permis d’être sélectionnées ou leur niveau de confidentialité ne filtre. 

Dans les deux pays, une application est développée sans certitude qu’elle puisse fonctionner sur les smartphones utilisant iOs, qui représentent 20% du marché français. Apple refuse, pour le moment, de lever une restriction de l’utilisation du Bluetooth mise en place pour protéger la vie privée des utilisateurs, comme le souligne un article de Numerama

Selon une étude parue dans la revue Science, pour qu’elle soit efficace, elle devra être adoptée par un nombre massif de citoyens, de l’ordre de 60%. Pour s’en assurer, le gouvernement italien aurait même envisagé des restrictions de déplacements pour ceux qui choisiraient de s’en passer, selon le Corriere della sera. Le ministre des affaires étrangères, Luigi Di Maio, et Bending Spoons, sont sortis de leur silence pour se montrer rassurants… sans répondre à cette question cruciale du nombre d’utilisateurs requis. Interrogé le 20 avril par APMnews (site du groupe APM International dont fait partie TICpharma) sur ce pourcentage, Jérôme Salomon a indiqué que la DGS n’a « pas d’analyse de ce type » concernant l’acceptabilité par la population française, qui conditionne pourtant les résultats susceptibles d’être obtenus par cette méthode pour endiguer l’épidémie.

 Malgré un objectif similaire dans les deux pays, les stratégies d’utilisation des systèmes d’information numériques basés sur le Bluetooth semblent diverger : sur la base du volontariat, avec des alternatives possibles en France ; alors que l’Italie s’oriente vers un système plus coercitif. Selon la CNIL, “il faudrait [que] le fait de refuser l’application [n’ait] aucune conséquence préjudiciable [pour l’individu]”, ce qui rend la coexistence de plusieurs systèmes de contact tracing indispensable, relèguant le Bluetooth à un complément et non une solution qui, adoptée uniformément sur le territoire français, rendrait les autres systèmes obsolètes.

Si l’on s’intéresse à ce qui est mis en place hors union européenne, les causes envisageables du succès de l’application “Covid-19 SMS” en Corée du Sud sont les suivantes : 

  • Une expérience récente des épidémies (SRAS, MERS)
  • Des systèmes d’information efficaces déjà implantés
  • Une application déjà préalablement testée en partenariat avec les administrations
  • Une indépendance numérique du pays
  • L’assimilation du progrès numérique à un progrès social et non à un asservissement ou une restriction des libertés par la population

Ces explications sont détaillées dans un article de Jean-Yves Colin

A ce jour, la Belgique reste le seul pays à remettre en question l’utilisation d’un traçage numérique des cas et de leurs contacts pouvant, par certains aspects, ressembler à du solutionnisme technologique.

Sources non mentionnées dans le texte : newsletter de TICpharma.com, consultée le 24.04.2020 (auteur : Léo Caravagna)