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Avril – 2025 –
La Santé Publique
de demain : Enjeux et Défis
p. 03
CNISP 2025 :
sommaire
– #54 – Avril 2025 –
p. 11
p. 25
“LA SANTÉ PUBLIQUE DE DEMAIN :
ENJEUX ET DÉFIS”
Editorial par l’équipe organisatrice Zoom sur quelques intervenants :
• Les inégalités sociales de santé
• Les dispositifs non médicaux
• Les déterminants commerciaux de la santé
DOSSIER INTERNATIONAL :
LE SPRINGMEETING D’EURONET
Editorial, par Julian Rozenberg Présentation du nouveau bureau d’Euronet
Interview de Mélodie Bernaux : l’entrepôt européen des données de santé Entretien avec Floor, interne néerlandaise
PARCOURS DE JEUNES PRATICIENS DE SANTÉ PUBLIQUE
Une épidémiologiste à Mayotte Dis-m’en plus sur le DIM !
L’auto-entreprise en santé publique
2 BULLETIN CLISP – #54 – AVRIL 2025
– CNISP 2025 –
Bienvenue à Montpellier dans la plus ancienne faculté de médecine au monde !
Venez marcher sur les traces de Rabelais, Chaptal, Lapeyronie, Arnaud de Villeneuve…
C’est dans la faculté historique de médecine, dont la devise est encore “Olim Cous nunc Monspeliensis Hippocrates”, que l’on peut traduire par “Jadis Hippocrate était de Kos, maintenant il est de Montpellier”, que se tiendra le CNISP 2025.
Cette année le CNISP est le fruit d’une belle collaboration entre les internes des villes de Marseille, Toulouse et Montpellier et son programme riche et varié est accordé à la diversité des profils des internes sudistes impliqués dans cette aventure.
Les conférences porteront sur des problématiques résolument actuelles et sur les nouveaux challenges à relever pour l’avenir, et ouvriront la réflexion sur l’adaptation des politiques publiques face à ces défis et sur le rôle des médecins de santé publique dans l’élaboration de solutions.
• Défi pharmaceutique : la question des pénuries de médicaments qui concernent de nombreux acteurs promet des échanges passionnés et passionnants entre nos différents experts (politiques, industriels, autorités de santé, hospitaliers).
• Défi social et sociétal : quels leviers d’action pour œuvrer à la réduction des inégalités de santé toujours
grandissantes ? La recherche participative et la médiation en santé seront entre autres abordées.
• Défi technique : la question de l’intelligence artificielle à l’hôpital et des données de santé seront au cœur du sujet, sans négliger les enjeux éthiques.
• Défi de communication : à l’ère où l’information est pléthorique et les intox de plus en plus fréquentes, la maîtrise de la communication devient un véritable enjeu pour le médecin de Santé Publique.
Le CNISP 2025 se veut comme chaque année un lieu de convivialité et de partage en proposant des moments privilégiés
de détente afin de renforcer les liens entre les différentes promotions.
Participons ensemble à construire le monde de demain, afin d’offrir aux générations
futures une santé publique plus juste et pertinente.
L’équipe de l’AO-CNISP tient à remercier les membres du Comité National Pédagogique pour leurs conseils bienveillants, les intervenants du congrès pour leur implication et leur disponibilité, et Madame La Doyenne de la faculté de médecine de Montpellier qui a donné son accord pour que l’édition 2025 puisse se tenir en ces lieux chargés d’histoire.
Entretien avec Cyrille Delpierre.
Propos recueillis par Thomas Cardot
TC Bonjour, merci beaucoup d’avoir accepté de réaliser cette interview. Tout d’abord, pourriez-vous vous présenter ?
CD Je suis Directeur de recherche à l’INSERM, et je dirige l’Unité de Recherche en Santé des Population (CERPOP) à Toulouse, où je travaille depuis 20 ans sur la construction des Inégalités Sociales de Santé (ISS), c’est-à-dire sur comment la façon dont on grandit, dont on vit une fois adulte conditionnent notre risque de maladies et notre plus ou moins bonne prise en charge par le système de soin. A partir de nos résultats, nous développons des interventions afin de réduire ces ISS.
TC Quelle est votre formation ?
CD Il y a deux grands types de parcours : médecine,
complétée par une formation en épidémiologie, c’est le
mieux adapté quand on travaille sur le système de soin
; et d’autres disciplines telles que biologie, sociologie, mathématiques, qui se concluent par un master d’épidémiologie et une thèse. Mais il est important d’avoir les deux, car l’essentiel des déterminants de la santé sont en-dehors du système de soin. Nous avons cet écueil en France que l’épidémiologie est une sous- section universitaire de la médecine, elle n’est donc pas aussi diverse, variée, et forte, que dans d’autres pays où elle est une discipline en soi.
Moi j’ai fait une licence de physiologie avant un master puis une thèse d’épidémiologie, qui portait sur les déterminants du dépistage tardif du VIH. J’ai eu la chance de passer dans un service de maladies infectieuses, ce qui m’a permis de comprendre la clinique, et l’importance de travailler sur le terrain et de créer sa propre collecte de données. J’ai fait mon post- doctorat à la Harvard School of Public Health, sur la santé perçue en fonction du milieu social. Je possédais ainsi un bon éventail d’outcomes sur les ISS. Puis j’ai passé le concours de l’INSERM, où j’ai été recruté.
TC Comment vous êtes-vous intéressé à ce sujet ?
CD Beaucoup de gens qui travaillent sur les ISS ont travaillé comme moi sur le VIH, car cette thématique y est criante, et rappelée par les associations. J’ai commencé par compléter mon travail de thèse chez des patients VIH, en mettant en évidence leurs causes de mortalité, par exemple les cancers. De fil en aiguille, je me suis intéressé aux ISS en dehors de cette population, puisqu’elles existent quel que soit l’outcome de santé. C’est un sujet qui m’a touché car je ne trouve pas normal qu’en fonction de la famille où il naît, un enfant puisse avoir jusqu’à 10 ans de différence d’espérance de vie. Mais c’est souvent un choix personnel de s’intéresser à ces sujets, et je reste étonné que ça ne soit pas un tronc commun en médecine : pourquoi on ne creuse pas des sujets comme les habitus et la socialisation, les diverses représentations et rapports à la santé, ou encore la façon de s’adresser à des personnes d’un autre milieu social ?
TC Peut-être est-ce lié à un manque de preuves, de la
part des sciences sociales ?
CD Effectivement, ça interroge sur ce qu’on appelle une preuve, qui n’est pas forcément la même définition qu’en biologie ou en médecine. Mais c’est surtout que nos disciplines ne répondent pas aux mêmes questions : une recherche qui compare deux groupes ne dit pas comment on agit dans la vraie vie, avec des gens totalement différents. Montrer que le tabac est lié au cancer du poumon ne dit pas comment faire arrêter de fumer. Pour autant, l’épidémiologie a montré que le tabac était dangereux pour la santé bien avant les essais randomisés, et il y a des kilomètres de preuves en sociologie, par exemple sur la façon dont les individus se socialisent. Je pense que le domaine biomédical commet une erreur en considérant ces niveaux de preuve comme insuffisants.
TC Il y a des travaux qui appliquent à la fois la sociologie et la médecine ?
CD Oui, par exemple la recherche dite participative : on va directement, avec les publics concernés, réfléchir à comment développer une action de prévention. La façon de structurer l’étude, le contenu, les mots vont différer, et en mixant les savoirs on va être plus adapté à la réduction des inégalités.
TC Pouvez-vous nous parler de ce que vous avez présenté aux internes lors du CNISP ?
CD Je commencerai par donner des éléments de cadrage, des définitions sur les inégalités. J’essaierai de faire prendre conscience de l’inadéquation entre l’importance donnée au système de soin en France, et l’importance des déterminants de santé qui sont hors du système de soin. Les Américains ont l’habitude de dire : « le code postal prédit plus la santé que le code génétique ». Certes les Etats-Unis sont traversés par des inégalités énormes, mais ils en sont conscients et les étudient depuis très longtemps. Enfin, on verra comment ça se traduit en intervention.
TC Quels sont les freins actuels de vos recherches ?
CD On n’est pas très nombreux à travailler sur ces sujets. Malgré son nom, l’INSERM travaille surtout sur la partie « Recherche Médicale » et moins sur la partie « Santé ». Pour faire vivre la population le plus longtemps en bonne santé, il faudra pourtant passer par de la prévention, et sortir du tout curatif. Il faut donc faire prendre conscience de ça. La difficulté ensuite c’est que notre pays assume une idée d’égalité, donc premièrement, nous finançons moins ces recherches que les Américains, qui se savent inégaux. Par exemple, dans les dossiers médicaux, on n’a pas les données sociales (niveau d’étude, profession…). Comment peut- on étudier la qualité de la prise en charge si on n’a pas le milieu social des individus ? Deuxièmement beaucoup de gens ont souvent du mal à poser des questions qui ont trait au « milieu social ». Pourtant dans le domaine du VIH, on posait des questions autrement plus intimes ! Troisièmement, il faudrait qu’on puisse plus facilement croiser les données de recensement. Je sais que ce sont des difficultés liées à l’histoire, mais quand le COVID est arrivé je n’ai pas pu faire un bon travail, car on n’avait pas les données sociales au début, on a pu en avoir une partie plus tard seulement par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). Ils ont d’ailleurs montré des inégalités face aux formes graves de COVID en fonction du niveau de revenu, mais seulement au bout d’un an et demi, et c’est trop tard en situation de crise.
TC Quels sont les leviers actuels de vos recherches ?
CD On a des réseaux internationaux de données, par exemple on a publié beaucoup de travaux sur une cohorte britannique suivie depuis 1958 en population générale. En France on a une culture de cohortes hospitalières, mais on est en retard sur des grandes cohortes populationnelles, qui ont été mises en place dès la fin de la seconde guerre mondiale en Grande Bretagne, par exemple la fameuse cohorte de Framingham, qui a permis par exemple d’établir les équations de risques cardiovasculaires.
En fait, il faut améliorer la collecte de données. Au niveau du patient, quand on explique bien aux gens comment leurs données sociales et l’étude de leurs conditions de vie permettront de s’assurer qu’ils sont pris en charge comme les autres par le système de soin, alors ça ne pose pas de problème. Et au niveau de l’accès aux données, les cohortes britanniques dont je vous parle sont accessibles en un clic, car les Britanniques ont un système très bien rodé de retour sur investissement : plus leurs données sont utilisées, plus ils peuvent avoir d’argent ! Il faut seulement les informer, quand on a valorisé leurs données par des publications. En France le partage de données est plus compliqué, car on a tendance à considérer que les données appartiennent aux soignants, et depuis plus récemment au patient. L’important c’est donc de s’assurer que les gens qui collectent les données soient bien valorisés.
TC Quelles comparaisons faites-vous avec la
prévention à l’étranger ?
CD En France, pour simplifier, la santé c’est la médecine, et la médecine c’est le curatif. Ça a bien marché pendant un certain temps, mais aujourd’hui on fait face à des épidémies de maladies chroniques. Des pays comme l’Australie sont tellement grands qu’il ne peut pas y avoir d’accès à un médecin en moins de 10 minutes. Donc l’éducation à la santé est plus développée : dès l’école on apprend les gestes qui sauvent, les signes d’une mauvaise santé mentale… Chez nous au contraire, pendant très longtemps les premiers secours étaient réservés aux soignants, et l’automédication reste mal vue.
TC Vous connaissez Mon Bilan Prévention ?
CD Oui, c’est très bien, encore faut-il que tout le monde y aille et pas seulement ceux qui sont favorisés, sinon on augmente les ISS.
TC Quel est votre sujet d’étude principal,
actuellement ?
CD En ce moment, je réinterroge la sémiologie telle qu’on l’a héritée de Claude Bernard, qui pensait que la physiologie est la même pour tout le monde. On comprend aujourd’hui qu’elle varie au contraire en fonction par exemple de l’âge et du sexe, mais avec mon équipe nous essayons de montrer qu’elle dépend aussi du milieu social dans lequel on a été,
parce qu’on incorpore biologiquement
son milieu social.
C’est le concept de biologie située, qui existe depuis longtemps : des anthropologues ont montré comment des peuples d’Amérique du Sud vivent avec des taux de CRP élevés, sans pour autant avoir de maladie vasculaire, comme on aurait chez nous. Nous cherchons à montrer comment on peut intégrer ces données pour faire de la meilleure prise en charge.
TC Est-ce que ça rejoint ce qu’on appelle « la médecine de précision » ?
CD Très bonne question, en théorie ça devrait, en pratique je nuancerais. Pour caricaturer, on nous présente la médecine de précision comme aboutissant à un traitement par individu. En fait, ce concept, issu de l’épidémiologie, propose plus modestement de la médecine stratifiée, c’est-à-dire qu’on établit des groupes plus précis. Mais il s’agit souvent d’une précision biologique : il y a une réduction biologique des individus par la médecine de précision. On va chercher des marqueurs omiques, des gènes, mais on n’intègre ni les données sociales ni les données environnementales. Or, on prédit mieux beaucoup de choses en fonction de l’endroit où vous habitez ou du niveau d’éducation de votre mère.
TC Pour conclure cet entretien, avez-vous un conseil
à donner aux internes de santé publique ?
CD C’est une super spécialité que vous avez, parce que vous connaissez à la fois le système de soins et avez la capacité d’en sortir. L’effet de votre travail peut être massif pour les populations, il faut continuer à montrer à quel point c’est important ! Dans d’autres pays, c’est une des premières spécialités choisies. Je vous invite ainsi à vous demander pourquoi les spécialités cliniques sont si valorisées en France, alors qu’avec une décision que vous prenez, vous pouvez sauver des milliers de vies. De même, pourquoi la relation médecin-malade est-elle si sacrée en France, alors qu’on peut prendre de bonnes décisions cliniques sur dossier (comme c’est le cas pour les réunions de concertation pluridisciplinaires) ?
Entretien avec Guillaume Martin.
Propos recueillis par Thomas Cardot
TC Bonjour, merci d’avoir accepté de réaliser cette interview. Peux-tu te présenter, et présenter ton parcours ?
GM Bonjour, je suis jeune médecin de santé publique, ayant fini l’internat en mai 2023. Mon internat, à Paris, a surtout tourné autour des données de santé, et sur l’évaluation des technologies et interventions de santé. J’ai commencé par deux stages hospitalo-universitaires de méthodologie et recherche clinique à la Pitié-Salpêtrière et à George Pompidou. Puis mon 3ème semestre en market access au laboratoire Lilly a été interrompu par la crise COVID : j’ai alors été redirigé pendant 3 mois au centre de crise sanitaire (à la Direction générale de la santé), où j’ai travaillé notamment sur la communication de crise. J’ai ensuite pu me former au Système National des Données de Santé à l’Assurance Maladie, et j’ai suivi un master 2 d’épidémiologie (master ECLIPE). J’ai rejoint Synapse en stage de master, et j’y suis resté en inter-CHU. C’est une entreprise fondée en 2017 par deux médecins de santé publique, où je travaille désormais, mais qui a surtout un stage ouvert à Bordeaux pour ceux qui seraient intéressés (notamment inter-CHU) !
J’ai ensuite fait mon 6ème semestre chez IQVIA, une
« organisation de recherche clinique » : c’est-à-dire une entreprise de conseil pharmaceutique, auprès de laquelle les labos sous-traitent leur recherche. Elle a des données de 50% des pharmacies d’officine via les éditeurs de logiciels, ainsi que d’une cohorte de médecins, ce qui permet d’aider les laboratoires à orienter leur politique. Enfin je suis retourné en recherche hospitalo-universitaire à la Pitié Salpêtrière en tant que Docteur Junior, et je poursuis une thèse de science de pharmaco-épidémiologie avec eux en parallèle de mon travail actuel.
TC Peux-tu nous parler de ton entreprise ?
GM Je suis aujourd’hui responsable des affaires médicales chez Synapse. On est une entreprise de 90 personnes, qui développe des logiciels d’aide à la décision pour les professionnels de santé : en pratique on développe des modules que nos clients, les éditeurs de logiciels, vont pousser dans leurs logiciels qu’ils vendent ensuite aux professionnels de santé. Mais nous restons hébergeurs de nos modules, ce qui nous permet de mettre nos algorithmes à jour en continu, en s’appuyant sur notre base médicamenteuse, Thériaque, et d’autres sources (ANSM, recomedicales.fr…).
On se déploie en 2025 chez un quart des médecins libéraux en France, pour l’instant principalement sur l’aide à la prescription : risques d’interaction médicamenteuses, effets indésirables, etc.
Mais on va bientôt déployer un module d’IA générative qui, une fois les pathologies et médicaments du patient saisis, synthétise les recommandations (biologie dans 6 semaines, revoir le patient dans trois mois, déclarer une ALD)… On développe aussi un module d’IA qui capte l’audio de la consultation et produit une synthèse. On utilise principalement Mistral comme Large Language Model, avec des technologies développées en interne pour mieux répondre à l’usage qui est fait de nos modules.
TC Et ton travail consiste en quoi ?
GM Je suis responsable des affaires médicales chez Synapse Medicine, donc j’interviens sur plusieurs fronts. D’abord, dans le domaine des affaires publiques, je travaille à faire évoluer le cadre réglementaire et financier autour des dispositifs médicaux numériques (DMN) à usage professionnel, comme ceux que nous développons. Par exemple, je mène des discussions avec la Haute Autorité de Santé (HAS) pour qu’elle intègre nos solutions dans son processus d’évaluation. Le défi est de taille : la HAS ne finance pas encore ces dispositifs, arguant qu’il n’existe pas de prise en charge prévue par l’Assurance Maladie (CNAM). Mais c’est un cercle vicieux, car la CNAM ne financera nos dispositifs que s’ils sont préalablement évalués par la HAS. Mon rôle est donc de plaider pour la création d’un véritable parcours d’évaluation et de remboursement adapté à ces technologies.
En parallèle, je m’occupe des aspects recherche et réglementaires, essentiels pour montrer la plus- value de nos DMN : on réalise des essais cliniques et observationnels avec des partenaires, par exemple le CHU de Bordeaux avec qui nous avons un accord cadre, pour valider la performance et le service médical rendu de nos dispositifs. On réalise aussi des études pour répondre aux exigences du règlement européen sur les dispositifs médicaux (MDR). En effet, nos modules sont des dispositifs médicaux (DM), et pour être commercialisé il faut obtenir le marquage CE qui est une sorte d’autorisation de mise sur le marché. Pour cela il faut des garanties sur la robustesse de nos systèmes : être sûr qu’ils sont performants, qu’ils ne crashent pas, ou qu’il n’y ait pas d’erreur non reconnue. Avec toutes ces données, on rédige un gros dossier et je suis notamment chargé de la partie d’évaluation clinique.
TC C’est ça que tu présentes aux internes lors du CNISP ?
GM En partie. Je vais surtout présenter les thématiques d’évaluation et de financement des dispositifs médicaux numériques (DMN) à usage professionnel, comme ceux développés par Synapse Medicine.
TC A ton avis, quels sont les enjeux principaux actuels ?
GM C’est un problème d’incitatif, de payeur et d’utilisateur. Contrairement à certains logiciels dont l’intérêt est un gain direct de temps pour le praticien – qui trouvent facilement leur accès au marché sans intervention de l’État, nos DMN viennent soutenir le système de santé, notamment concernant la pertinence des prescriptions médicamenteuses. Or les médecins ne sont pas incités à utiliser ces logiciels, car historiquement dans notre système on rembourse l’acte, on ne rembourse pas les dispositifs professionnels : par exemple, on rembourse une échographie, pas un échographe. Les professionnels de santé qui utilisent notre logiciel doivent le payer mais n’ont aucune incitation financière à le faire – ils ne payent pas les médicaments de leurs patients.
TC Y a -t-il des enjeux liés à l’arrivée de l’IA ?
GM En dehors des sujets de remboursement, qui ne sont pas spécifiques à l’IA, il y a les sujets éthiques. Toutefois, le RGPD et le règlement européen sur les dispositifs médicaux couvraient déjà bien les thématiques autour de l’utilisation d’algorithmes et de l’utilisation de données, donc l’arrivée de l’IA n’a pas changé grand-chose. Le RGPD donnait déjà le droit de collecter des données pour améliorer les logiciels eux-mêmes, même si bien sûr on ne collecte pas les données identifiantes du patient. Néanmoins un nouvel acte législatif va arriver en UE : l’IA act, qui va repréciser ce qu’on peut faire en termes d’IA, mais il est encore en cours de finalisation à la Commission Européenne.
TC Comment et pourquoi t’es-tu intéressé à ces sujets ? Quel conseil donnerais-tu aux internes de santé publique ?
GM J’avais été très proactif très tôt. J’avais dès mon externat posé pas mal de questions sur l’internat de santé publique en contactant au hasard des internes et médecins sur Twitter, dont un des fondateurs de Synapse, ce qui m’a permis d’y faire mon dernier stage d’externat. Dès le début j’avais une idée de ce qui m’intéressait, mais j’ai surtout évolué grâce à mes rencontres au hasard des stages, et notamment avec deux mentors, mes maîtres de stage à Synapse et à la Pitié. Donc mon conseil c’est de parler à beaucoup de gens dès le début de l’internat, et si on arrive à identifier une ou deux personnes avec qui ça marche bien, il faut pouvoir en faire ses mentors, et ça deviendra plus facile de se repérer et de créer son parcours.
LES DÉTERMINANTS
Entretien avec Pr Karine Gallopel Morvan.
Propos recueillis par Thomas Cardot
TC Bonjour, merci d’avoir accepté de réaliser cette interview. Tout d’abord, pourriez-vous vous présenter, et présenter votre formation ?
KGM Je suis Professeure des Universités, à l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP), et je travaille sur deux thématiques en recherche : l’utilisation des outils et des concepts du marketing social dans la prévention ; et leurs « concurrents » que sont les déterminants commerciaux de la santé. Dans les deux cas, je m’intéresse aux mondes du tabac et de l’alcool. Après mon doctorat en marketing marchand, j’ai très vite basculé sur ces thématiques de prévention.
TC Comment et pourquoi vous-êtes-vous intéressée à ces sujets ?
KGM Je m’intéressais dès mon doctorat au concept de persuasion : comment les émotions peuvent influencer les individus, et grâce à quels outils : messages qui font peur, musique… Très vite, au début des années 2000, j’ai pu travailler sur des études qualitatives sur l’impact des futurs avertisseurs visuels des paquets de cigarettes sur les fumeurs : c’était le début de ce « combat », au sein de l’Union Européenne, entre les industriels et les acteurs de prévention. J’ai pu me diversifier mais je n’ai jamais arrêté depuis 25 ans.
TC Pouvez-vous nous parler de votre travail aujourd’hui ?
KGM Mes travaux portent sur la prévention et le marketing social, en particulier sur la prévention tabac / alcool (avertissements sanitaires et régulation du marketing)
Les recherches que j’ai menées il y a quelques années sur le paquet de cigarettes neutre m’ont permis d’observer les attaques et le lobbying des industriels du tabac contre ces mesures de santé publique. J’ai donc décidé depuis 7 ans environ d’analyser les tactiques de lobbying des industriels du tabac et de l’alcool. Nous avons obtenu des fonds pour ce faire et publié différents articles scientifiques, des chapitres dans l’expertise INSERM sur l’alcool (2021) et un ouvrage sur l’alcool (2024).
J’avais commencé par des travaux sur le tabac, puis sur l’alcool vers le début des années 2010. Pour le moment ces 2 thèmes m’occupent beaucoup, mais pourquoi pas à terme travailler sur le marketing des drogues illicites ?
TC A votre avis, quels en sont les enjeux principaux actuels ?
KGM Le véritable frein vient des industriels qui ont des activités commerciales qui dégradent la santé des populations et la planète. A eux seuls, le tabac, l’alcool, les aliments ultratransformés et les énergies fossiles expliquent 1/3 des décès évitables dans le monde. Ces entreprises très puissantes ont parfois plus de moyens que certains Etats, sont expertes en lobbying et bloquent la mise en place de mesures de santé publique efficaces. On parle ici des déterminants commerciaux de la santé, très peu connus des acteurs de la santé en France.
TC Pouvez-vous nous parler de ce que vous allez présenter aux internes lors du CNISP ?
KGM Je vais présenter les déterminants commerciaux de la santé, définir ce qu’ils englobent et comment, en France en dans le monde, les activités de multinationales freinent la meilleure santé de la population.
TC Comment avoir un impact en plaidoyer pour
la santé ?
KGM Déjà être conscient du lobbying des acteurs industriels, savoir que les actions de prévention que l’on mène sont contrées par le marketing très agressif et le lobbying souvent efficace des firmes qui entraînent les causes évitables de mort et de maladies chroniques.
TC Pouvez-vous nous parler de votre travail pour l’option Administration de la santé, proposée aux internes de santé publique ?
KGM Christine Ortmans m’a demandé depuis 3 ans de piloter une semaine de cours sur la thématique du plaidoyer et du lobbying. Les élèves écoutent des experts sur le sujet. Je fais venir des collègues d’associations, dont le métier est le plaidoyer, et les élèves doivent « plancher » sur un cas fictif de lobbying qu’ils doivent défendre : rédiger un papier d’argumentaires et réfléchir à une stratégie pour convaincre les élus. J’aborde dans ce cours le sujet des déterminants commerciaux de la santé.
TC Quel conseil donneriez-vous aux internes de
santé publique ?
KGM S’engager dans le plaidoyer… De nombreux médecins le font déjà, je travaille beaucoup avec eux. Il faut continuer et que les nouvelles générations prennent le relai en faisant connaître et en luttant contre les déterminants commerciaux de la santé.
EURONET : SPRING MEETING 2025
À la croisée de l’innovation et de la santé publique.
Du 19 au 21 mai 2025, Paris accueillera le Spring Meeting, un événement phare réunissant plus de 100 internes de santé publique venus de toute l’Europe.
Cette année, l’événement se concentrera sur un thème d’actualité : « Quel impact auront les nouvelles technologies sur l’évolution des métiers de la santé publique et des systèmes de santé ? ».
L’idée de ce thème est née de mon parcours : j’ai structuré mon internat autour du rôle de l’innovation en santé, constatant un manque d’implication des médecins dans l’intégration des nouvelles technologies. Leur déploiement reste limité en raison du manque de soignants formés pour les relayer. Le Spring Meeting 2025 vise à renforcer les compétences des participants, car je suis convaincu qu’il n’y a personne de mieux placé que les médecins de santé publique pour combler ces lacunes.
Le programme du Spring Meeting 2025 est conçu pour stimuler la créativité et la collaboration : le deuxième jour sera consacré à un hackathon, où les internes de différents pays travailleront ensemble pour développer une solution digitale de suivi des patients chroniques polypathologiques.
Comme les bonnes idées s’affinent souvent autour d’un verre, le Spring Meeting proposera de nombreux moments conviviaux, propices à la création de liens durables avec des internes des quatre coins de l’Europe !
L’événement sera marqué par la présence de deux intervenants de renom :
Bruno Bonnell, Secrétaire général à l’innovation, ouvrira le Spring Meeting. Avant d’occuper ce rôle, il a fondé Infogrames, la première société de jeux vidéo française, à l’origine de succès comme RollerCoaster Tycoon, Alone In the Dark ou Worms Armageddon. Il a également été à l’origine du syndicat des jeux vidéo français, contribuant à la reconnaissance de ce nouveau métier. Sa vision et son expertise en matière d’innovation technologique apporteront une perspective éclairante sur le rôle futur des médecins de santé publique.
Antoine Malone, connu pour son concept de responsabilité populationnelle, clôturera l’événement. Son discours promet d’inspirer les jeunes professionnels à repenser l’organisation des systèmes de santé.
Julian Rozenberg
Equipe organisatrice du Spring meeting : Julian, Camille, Aurélia, Aldo
EURONET’S MRPH 2025
Each year, Euronet welcomes a new board and leads that gathers various profile of Public Health residents across
Europe, aiming at representing the voice of public health medical residents in Europe
Let’s meet the Board and Leads!
Experience in public health:
I have decided to focus my work mainly on global health challenges. During my
residency, I’ve had the chance to work in and with low-middle income countries, notably Laos and Cuba, cooperating with local governments and international organizations to analyse and implement public health solutions. My research focuses on addressing health inequalities, promoting health, and preventing disease, with an emphasis on nutrition and food security. I’m passionate about understanding the relationships between food systems, health outcomes,
and social determinants to develop effective interventions and improve people’s health.
Aim for this year:
As the Vice president, my role will be to support the President and the Board and Leads throughout their mandates. One of the main tasks will be the redaction of our new Policies and Procedures document, to guide the network’s activities in the future
Vice President
France
Edoardo MIOTTO
Advocacy Lead Italy
Experience in public health:
Still exploring! I’ve worked on clinical risk management and infection prevention and control projects at several levels (both in Italy and in Uganda through an Italian NGO), I’ve conducted some research at the National Public Health Institute on the health impact of hazardous waste and occupational exposures (environmental epidemiology), and some qualitative research on behavioural change and sustainable living, green spaces and social participation.
Aim for this year:
As this is the second year for this position, my primary goal is to consolidate what it has done the first year, by following up on the ongoing activities. I also aim to develop new initiatives with other EuroNet Leads, and explore other potential collaborations with external partners.
Alessandro BERTI
General Secretary Italy
Experience in public health:
My journey in public health began with a strong concern for climate change, shaping both my academic and professional path. Along the way, I pursued a master’s in global health, which led to an incredible experience in Pakistan, where I worked on health resilience amid extreme weather events.
Later, in Sweden, I deepened my focus on the health effects of climate extremes. These experiences reinforced my commitment
to bridging research and policy to enhance climate resilience and health equity, guiding me to further specialize in environmental epidemiology.
Aim for this year:
Priorities for this year include strengthening communication within EuroNet, optimizing digital infrastructure, and ensuring efficient event coordination. Supporting organizational continuity through clear documentation and facilitating participation in key events and capacity-building activities will also be a focus
Lilia AGUIRREZABALA
Newsletter Lead Spain
Experience in public health:
Still learning in this path! I’m a first year resident in Spain but I have more experience in public health in Mexico, promoting vaccination, regular checkups in centers of public primary care. My main interest is global health and health access barriers in minority groups & collectives
Aim for this year:
My primary goal is to keep the amazing job my predecessors did, researching continuously and looking for information that could be interesting
for european public health residents as well as nice opportunities for us to thrive. Maybe give more visibility to other members and countries in the newsletter by also sharing their news and thoughts if possible.
Capacity Building Lead
Experience in public health:
I am currently in my fourth year of residency and working in the Department of Prevention in Italy, where I focus on vaccines and infectious diseases. Over the past years, I have had the opportunity to work with the Italian Cooperation at its headquarters in Jerusalem, where I was involved in improving access to healthcare for the Palestinian population, particularly women. I also spent ten months with an NGO in southern Italy, where I
worked on health promotion for the migrant population, provided medical assistance during migrant landings at the port, and managed an outreach program for the Roma community.
Another area of particular interest to me is planetary health. For the past three years, I have been coordinating a working group on this topic in Italy, and this year, I am representing EuroNet within the Planetary Health Working Group of the WHO Youth Council
Aim for this year:
As Capacity Building Lead, my goal is to strengthen capacity both within the network and externally with our partners. To achieve this, I believe teamwork is essential. This involves close collaboration with the newly appointed Capacity Building Team, the Board, other Leads, National Commissions, and any EuroNet member who has suggestions or is eager to get involved in this process!
Aldo GORGA
Webmaster Lead Italy
Experience in public health:
Exploring the intersection of medicine, technology, and communication to drive healthcare innovation has been a central theme of my journey. I founded a Digital Health Working Group within the Italian Society of Hygiene, led projects on digital health literacy and AI in medicine, and collaborated on medical app evaluation studies. I believe in leveraging digital tools to strengthen evidence-based practices and make public health more accessible, impactful, and responsive to emerging challenges.
Aim for this year:
My goal is to update and streamline the EuroNet MRPH website for 2024–2025. This includes overhauling and automating much of its underlying structure, removing outdated elements to improve maintainability, simplifying navigation, ensuring a consistent visual style, and enhancing performance, security, and SEO. By making the platform more user- friendly and efficient, I aim to support
each lead’s initiatives and help the network communicate its mission in a more cohesive and engaging way.
Nicky Renna
Internship Lead Netherlands
Experience in public health:
Within my public health residency, I’ve specialised in global health and infectious disease control. As a medical doctor, I’ve worked in infectious disease outbreaks, researched barriers and drivers to adherence to public health measures and focused on public health education. My main interests are public health policy, cross-border health challenges, and crisis coordination..
Aim for this year:
My goal for this year is to facilitate internship opportunities for residents in Public Health from countries within our association. I’ll do so by updating the internships page on the EuroNet website, looking for new internship opportunities, responding to inquiries
from residents about placements in other European countries, and liaising with the respective NC whenever necessary.
Meetings Lead Spain
Experience in public health:
First-year Medical Resident in Clinical Epidemiology and Public Health at Hospital de la Santa Creu i Sant Pau in Barcelona, Spain. Currently completing a MPH at Universitat Pompeu Fabra i Universitat Autònoma de Barcelona. Representative of the Spanish Association of Medical Residents in Public Health (ARES MPSP). I decided to join EuroNet to meet and collaborate with other residents and public health professionals from around Europe, such an enriching opportunity!
Aim for this year:
As Meetings Lead, my main goal for this year is to ensure alignment between EuroNet Boards & Leads and the Paris Spring Meeting Organizing Committee. This includes supporting the organization of a well- structured and inclusive event in accordance
with EuroNet’s values, objectives, and mission. It also entails assisting in securing funding and speakers, as well as contributing to session planning and side events. Additionally, I will facilitate communication between stakeholders, moderate discussions, and
coordinate activities if required. I will also work closely with the Communication, Research, Webmaster, and Capacity Building Leads to enhance visibility, engagement, and continuity for future meetings. Finally, I will contribute
to the post-event evaluation and the development of a Charter of Values, ensuring continuous improvement and alignment with EuroNet’s aims.
L’ENTREPÔT EUROPÉEN
Interview de Mélodie Bernaux, médecin à la Commission Européenne
Propos recueillis par Thomas Cardot
TC Bonjour, merci d’avoir accepté cette interview ! Peux-tu te présenter, présenter ton internat ?
MB Je suis médecin, spécialiste de santé publique, aujourd’hui experte nationale détachée en santé numérique à la Direction Générale de la Santé de la Commission européenne. Mon internat, partagé entre Nice et Paris, a été résolument éclectique, guidé par la curiosité, l’envie d’explorer toutes les facettes de notre spécialité… et surtout, de saisir les opportunités là où elles se présentaient.
J’ai commencé au CHU de Nice par une activité mixte entre clinique et infectiologie, en consultation de vaccinations internationales, au sein du laboratoire d’hygiène et de médecine tropicale. Puis j’ai poursuivi avec le master 2 de méthodologie statistique et de recherche biomédicale (le fameux « Falissard », dirigé par Bernard Asselain et Xavier Paoletti). J’ai eu la chance d’effectuer un passage à l’Institut Curie, où j’ai travaillé à la fois sur la cohorte E3N en épidémiologie et en recherche clinique sur le cancer du sein.
J’ai également été très investie en information médicale, une activité parfois peu visible, mais qui m’a permis de comprendre de manière concrète le fonctionnement du système hospitalier et les enjeux liés à la structuration et à la valorisation des données de santé.
Pour ma thèse, j’ai eu la chance d’être dirigée par Alexandre Loupy, néphrologue et épidémiologiste, avec qui j’ai découvert un champ passionnant
: la transplantation rénale. Aux côtés de mon co-interne, nous avons analysé les bénéfices en termes de survie et de qualité de vie – ainsi que les coûts pour l’Assurance Maladie – des greffes dites à critères élargis : des greffons qui n’auraient pas été acceptés selon les standards classiques, mais qui peuvent être une solution pour certains patients non prioritaires. Un sujet à la croisée de l’éthique, de la santé publique, de l’économie de la santé et de l’innovation.
Ce parcours n’aurait pas été le même sans les rencontres qui l’ont jalonné. J’ai eu la chance d’être entourée de personnes passionnées, exigeantes et bienveillantes, qui m’ont inspirée, fait grandir, et à qui je suis profondément reconnaissante.
TC Et après ton internat ?
MB Après l’internat, j’ai commencé par un poste de Directrice médicale dans une société de conseil. Une première expérience très formatrice, mais c’est à mon arrivée à l’hôpital Cochin que j’ai vraiment trouvé une dynamique d’équipe stimulante. Nous étions en pleine transformation digitale, avec le déploiement du logiciel Orbis à l’AP-HP, et la nécessité de combler un important retard de codage. Ce fut une aventure humaine très forte, faite de collaboration, de résilience, et de beaucoup de pragmatisme.
Très vite, j’ai rejoint le siège de l’AP-HP pour travailler sur l’exploitation stratégique des données hospitalières. J’ai participé à l’élaboration du plan de transformation de l’établissement, en produisant des analyses à partir de l’entrepôt de données de santé pour la Commission Médicale d’Établissement. C’était passionnant de pouvoir contribuer à la prise de décision à haut niveau, avec des outils concrets issus des données.
Puis est arrivé le COVID. Du jour au lendemain, il a fallu répondre à une urgence : transmettre quotidiennement à l’ARS Île-de-France la liste des patients positifs, alors que chaque laboratoire de l’AP-HP avait son propre fonctionnement. Il a fallu tout mutualiser. Dans ce contexte, j’ai assuré la coordination médicale d’une task force COVID, rassemblant des experts formidables de l’AP-HP mais aussi de l’Inria, de Capgemini et d’autres acteurs du numérique en santé. Ensemble, nous avons conçu les dashboards utilisés par la cellule de crise du Directeur général de l’AP-HP. Ce fut une période d’intensité incroyable, et de collaboration hors normes.
Après une telle mobilisation, j’ai ressenti le besoin de changement. Une ancienne collègue m’a alors proposé de rejoindre la Direction Générale de la Santé pour travailler sur la révision des lois de bioéthique.
Ce fut un véritable plongeon dans le droit public
: j’y ai découvert les rouages parlementaires – Sénat, Assemblée nationale – et j’ai eu la chance de collaborer avec l’Agence de la Biomédecine et le Comité Consultatif National d’Éthique. Cette loi, très dense, a notamment élargi l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules, ouvert l’accès aux origines pour les enfants nés de dons, renforcé les règles sur les tests génétiques, et posé des jalons importants sur le diagnostic prénatal ou la situation des enfants intersexes. J’ai eu le sentiment, à mon échelle, de pouvoir contribuer directement à la rédaction du texte de loi et de ses textes d’application, en clarifiant certains points, en défendant l’accès aux données pour les personnes nées de dons, ou encore en participant à l’arrêté concernant les enfants intersexes.
Cette période m’a beaucoup appris : sur la puissance du droit comme levier de transformation, sur les subtilités de la négociation, et sur l’importance du pluridisciplinaire. C’est d’ailleurs ce que j’aime profondément dans la santé publique : être à l’interface de multiples mondes — scientifique, technique, administratif, économique, politique, éthique, médical — et faire dialoguer ces univers pour construire des politiques de santé plus justes, plus efficaces et plus humaines.
TC Peux-tu nous parler de ton expérience à
l’Union Européenne ?
MB Une nouvelle fois, une rencontre a tout déclenché : une personne avec qui j’avais travaillé à l’AP-HP m’a proposé de rejoindre la Délégation ministérielle au numérique en santé (DNS), au moment où l’Union européenne préparait le règlement sur l’Espace Européen des Données de Santé (EHDS). J’avais, par hasard, coché toutes les cases nécessaires pour contribuer à ce texte : droit, données de santé, éthique, innovation, santé publique.
J’ai intégré la DNS au tout début de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, en janvier 2022. J’ai notamment participé à la rédaction de la charte éthique du numérique en santé. Puis, très vite, la Commission européenne a publié sa proposition de règlement, et j’ai été désignée experte pour participer aux négociations au Conseil de l’UE. Concrètement, j’assistais l’attachée santé de la Représentation permanente de la France à Bruxelles : je rédigeais des amendements, analysais les textes, préparais les réunions avec les autres États membres.
À la suite de cette expérience, mon ministère m’a proposée comme experte nationale détachée auprès de la Commission européenne. C’est un statut particulier : je reste rattachée à l’administration française, mais je suis détachée pour travailler au sein de la Commission. L’objectif est double : amener la connaissance de son État membre à la Commission, et revenir un jour en France en ayant acquis une connaissance fine du fonctionnement européen. C’est aussi une manière de renforcer l’influence de son pays sur un sujet donné.
À Bruxelles, j’ai intégré l’équipe de la DG Santé chargée du numérique en santé et de négocier le règlement EHDS. J’ai eu la chance de participer aux trilogues, ces réunions fermées qui rassemblent les co-législateurs européens : le Conseil (qui représente les États membres), le Parlement (élu au suffrage universel direct), et la Commission (qui a l’initiative législative). Ensemble, nous avons finalisé le texte, qui a fait l’objet d’un accord politique en mars 2024. Sa publication a été décalée à mars 2025, après les élections européennes.
Dans l’intervalle, j’ai pu suivre une phase méconnue mais passionnante : la révision linguistique du texte par les juristes-linguiste dans les 24 langues officielles de l’UE. Il fallait s’assurer que chaque mot, chaque concept, chaque disposition, ait exactement le même sens dans toutes les versions linguistiques. Une véritable leçon de rigueur… et de diplomatie.
Travailler à l’échelle européenne, c’est à la fois une expérience intellectuelle exigeante et une aventure profondément humaine. J’ai rencontré des collègues de toute l’Europe, juristes, médecins, informaticiens, économistes, tous portés par la même volonté d’améliorer les systèmes de santé. Et j’ai pu constater combien les valeurs de santé publique – équité, solidarité, transparence – peuvent trouver une résonance puissante dans le projet européen.
TC Comment ça marche au fait, la Commission européenne ?
MB La Commission européenne, c’est un peu le bras exécutif de l’Union : c’est elle qui propose les textes de loi (règlements, directives…), et qui veille ensuite à leur mise en œuvre. Elle travaille en étroite collaboration avec deux autres institutions
: d’une part, le Conseil de l’Union européenne, qui réunit les gouvernements des États membres – en santé, cela veut dire les ministères, avec des groupes techniques composés d’experts ; d’autre part, le Parlement européen, qui représente les citoyens, via les députés européens élus au suffrage universel.
La Commission elle-même représente une forme d’administration européenne, plus stable que le Conseil ou le Parlement, dont les compositions évoluent à chaque élection. Elle est présidée depuis 2019 par Ursula von der Leyen, entourée d’un collège de commissaires, un peu comme un gouvernement européen, avec un commissaire par État membre.
Ce qui est intéressant, c’est que pour la première fois, la santé animale a été explicitement intégrée au portefeuille de la Commissaire en charge de la santé. Le titre officiel est devenu : Commissaire à la santé et au bien-être animal. Cela reflète une attente croissante de la société européenne sur ces sujets, et une volonté de traiter ensemble les enjeux de santé humaine, animale et environnementale – ce qu’on appelle aujourd’hui la logique “One Health”.
TC Quel est ton rôle à la Direction Générale de la Santé de la Commission européenne ?
MB Je travaille aujourd’hui à la Direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission européenne, plus connue sous le nom de DG SANTE. En son sein, je suis rattachée à une unité dédiée à la santé numérique, qui fait partie de la direction des systèmes de santé.
Cette unité a mené la négociation du règlement sur l’Espace européen des données de santé (EHDS), un texte fondamental adopté politiquement en avril 2024, publié au Journal officiel de l’UE en mars 2025, et entré en vigueur 20 jours plus tard. Mon rôle aujourd’hui est de contribuer à sa mise en œuvre concrète avec les États membres.
Car une fois le texte adopté, tout commence : il faut transformer un cadre juridique complexe en actions opérationnelles. Cela passe par la rédaction d’actes d’exécution et d’actes délégués, la mise en place des infrastructures communes, la coordination entre États, et l’accompagnement des acteurs nationaux. Le règlement EHDS comporte deux volets principaux :
• L’utilisation primaire des données de santé, c’est- à-dire leur accès par les professionnels de santé à des fins de soins, même au-delà des frontières ;
• L’utilisation secondaire, ou réutilisation des données, à des fins de recherche, d’innovation, de politiques publiques ou de régulation. C’est sur ce second volet que je me concentre particulièrement, car il soulève des enjeux majeurs de compétitivité, de souveraineté et de confiance.
Événement pour célébrer la publication au JOUE du règlement EHDS, 18_03_2025_
Au-delà de l’EHDS, notre unité travaille aussi à la déclinaison dans le champ de la santé de stratégie transversales comme celle sur l’intelligence artificielle. Nous sommes également engagés dans la mise en œuvre du plan d’action pour la cybersécurité des établissements de santé, qui vise à renforcer leur résilience à travers des lignes directrices, des obligations de sécurité, et des financements européens coordonnés avec les États membres.
C’est un travail très stimulant, à l’interface du juridique, du technique et du politique — exactement ce que j’aime dans la santé publique européenne.
TC Est-ce que les élections européennes ont eu un impact ?
MB Oui, les élections européennes ont toujours un impact, car elles renouvellent à la fois le Parlement européen et, indirectement, le collège des commissaires. En 2024, Ursula von der Leyen a été reconduite pour un second mandat à la présidence de la Commission, ce qui a permis d’assurer une certaine continuité institutionnelle. Mais l’équilibre politique du Parlement, lui, a évolué : la droite s’est renforcée, et plusieurs groupes d’extrême droite disposent désormais d’un poids non négligeable dans les négociations, ce qui oblige à composer des majorités plus complexes.
Au-delà des équilibres politiques, c’est surtout le contexte géopolitique post-COVID qui a déterminé les priorités du nouveau mandat. Le mot clé est compétitivité. La précédente Commission a produit une quantité importante de textes législatifs, dans l’urgence parfois, pour répondre aux défis sanitaires, économiques, numériques et environnementaux. Le mandat actuel est celui de la mise en œuvre : mettre en pratique les promesses faites, transformer les règlements en réalités concrètes sur le terrain, construire les infrastructures, soutenir les États membres, et assurer que les politiques adoptées trouvent leur utilité pour les citoyens. C’est un travail de fond, moins visible, mais absolument essentiel.
TC Est-ce que c’est difficile de faire avancer des projets européens comme l’EHDS, avec des systèmes de santé aussi différents d’un pays à l’autre ?
MB Oui, c’est parfois complexe, mais c’est aussi ce qui rend le travail européen passionnant. Chaque pays a son propre modèle de santé, ses habitudes de gouvernance, sa culture du soin. Certains ont une organisation très décentralisée, d’autres très centralisée. Le rapport aux données, à la régulation, au numérique, à la confiance — tout cela varie beaucoup.
Et l’Union européenne n’a qu’une compétence d’appui en matière de santé : selon le principe de subsidiarité, ce sont les États qui gardent la main sur leurs politiques de santé.
Cela veut dire que l’Europe ne décide pas pour les États, mais elle peut faciliter la coopération, proposer des cadres, encourager l’interopérabilité, et apporter un soutien. C’est ce que fait l’EHDS.
Cette diversité est aussi une force : elle oblige à se mettre autour de la table, à expliciter ce qu’on croit évident, à construire du commun. Ce qui semble aller de soi en France ne l’est pas nécessairement en Estonie, en Espagne ou en Slovénie.
Finalement, c’est une école de l’écoute, de la nuance, et du compromis intelligent. Et quand une solution européenne émerge malgré ces différences, elle a souvent plus de résilience et de légitimité que ce qu’un seul État aurait pu produire seul.
TC C’est ce que tu vas présenter aux internes lors du Spring Meeting d’Euronet ?
MB Oui, je vais leur présenter l’Espace Européen des Données de Santé (EHDS), un règlement ambitieux qui marque une vraie étape dans la construction d’une politique européenne de la donnée en santé.
Ce texte s’inscrit dans une stratégie européenne plus large sur les données, lancée en 2020, qui prévoit de créer des espaces de données sectoriels (santé, énergie, agriculture, finance…). L’EHDS est né d’un constat simple : pendant le COVID, l’Union a eu énormément de mal à partager les données de santé entre les pays. Or la donnée est essentielle, aussi bien pour mieux soigner que pour mieux anticiper, innover, réguler. C’est pourquoi la Commission européenne a proposé, dès 2022, un règlement dédié à la santé, avant même d’autres secteurs comme la finance ou l’agriculture…
Le règlement repose sur deux grands volets complémentaires :
• Le volet “utilisation primaire”, c’est-à-dire l’accès aux données de santé d’un patient par un professionnel de santé pour le soigner — y compris dans un autre pays. Ce volet s’appuie sur une infrastructure existante appelée MyHealth@ EU, mise en place par le eHealth Network (un réseau volontaire de coopération entre États membres) lui-même établi par la directive sur les soins de santé transfrontaliers adoptée en 2011. Le règlement EHDS rend désormais la participation de tous les États membres à cette infrastructure obligatoire, avec des formats harmonisés, une sécurité renforcée, et un droit pour chaque citoyen d’accéder à ses données.
• Le volet “utilisation secondaire” est totalement nouveau. Il s’agit de permettre la réutilisation des données de santé (de manière sécurisée et anonymisée) à des fins de recherche, innovation, politiques publiques ou régulation. Chaque État devra mettre en place un organisme d’accès aux données, chargé d’examiner les demandes, d’assurer les conditions de sécurité, et de garantir la transparence vis-à-vis des citoyens. L’objectif, c’est de créer un cadre de confiance commun, pour libérer le potentiel des données, tout en respectant les droits fondamentaux…
Je vais expliquer aux internes pourquoi ce texte est stratégique, comment il articule santé publique, innovation, droit et numérique, et en quoi leur génération aura un rôle essentiel à jouer dans sa mise en œuvre concrète.
TC Quels sont les freins et les leviers du Health
Data Across Europe ?
MB Le principal défi, c’est que le niveau de préparation varie énormément entre les pays. Certains ont déjà des infrastructures, des experts, une stratégie claire ; d’autres partent quasiment de zéro. Il faut donc un accompagnement massif, technique et financier, pour avancer ensemble.
Le règlement prévoit une entrée en application progressive, avec des étapes importantes : adoption des textes d’application européens, mise en place d’une gouvernance commune, et désignation dans chaque État d’une autorité de santé numérique et d’un organisme d’accès aux données. Aujourd’hui, très peu de pays sont prêts
— la France fait figure d’exception avec le Health Data Hub.
Mais au-delà des aspects techniques, c’est surtout une question de volonté politique. L’adoption du règlement fait l’actualité, mais sa mise en œuvre demande de la constance, du pilotage, des budgets… et surtout de la pédagogie. Il faut expliquer à tous — médecins, patients, institutions
— pourquoi et comment ces données peuvent améliorer les soins, la recherche et les politiques de santé.
En résumé : les freins sont la disparité des moyens, le manque de priorisation politique, et parfois la méfiance ou l’incompréhension sur le terrain. Les leviers, ce sont le cadre européen commun, les fonds de soutien disponibles, et une génération de professionnels formés à ces enjeux — comme les internes que vous êtes.
TC Peux-tu nous parler de ton expérience associative au CLISP ?
MB Le CLiSP a été un fil rouge pendant mes années d’internat : j’y suis restée trois ans, d’abord comme secrétaire, puis comme vice-présidente à deux reprises. J’ai eu la chance de travailler avec des présidents formidables — José Guerra, Frédéric Dugué, Jérôme de Launay — et un collectif d’internes engagés, dynamiques, bienveillantes.
J’ai coordonné le bulletin du CLiSP, participé à l’enquête sur le devenir des anciens internes de santé publique, et contribué activement à la réflexion sur la réforme du troisième cycle et le référentiel métier.
C’était une expérience précieuse, qui m’a appris la force du collectif, l’importance de porter une voix commune, et le plaisir de s’engager pour la spécialité. Je garde de cette période beaucoup d’amitié, et un vrai attachement à la communauté des internes.
TC As-tu un conseil pour les internes ?
MB Osez. Ne vous autocensurez pas. Allez là où vous êtes curieux, là où vous pouvez apprendre, grandir, vous surprendre.
Les plus belles opportunités naissent souvent d’un simple message envoyé, ou d’une porte qu’on n’osait pas pousser.
ENTRETIEN AVEC UNE
Interview de Floor de Gee, interne néerlandaise, donc internationale
Propos recueillis par Thomas Cardot
TC Merci d’avoir accepté cette interview, en français (et un peu en anglais, qu’on traduira) ! Pour commencer, pourrais-tu te présenter ?
FDG J’ai 33 ans, j’habite à Amsterdam, et je suis actuellement en fin de deuxième année d’internat de santé publique. Et je dois mentionner : j’adore ton pays ! Depuis mon enfance, j’ai passé mes vacances en France, j’ai vécu à Paris pendant 1 an et depuis 2 ans, mon copain et moi passons toutes nos vacances en Normandie pour rénover une petite maison de campagne.
TC Merci beaucoup ! Peux-tu nous en dire plus sur
ta formation en tant qu’interne de santé publique ?
FDG À la fin de ma 6e année, avant de me spécialiser en santé publique, j’ai travaillé pendant quelques années dans un institut de santé publique. Ce n’est pas si courant je crois en France, car durant cette période je suis venue chez vous pour voir comment j’allais être reçue, et j’ai eu du mal à expliquer ce statut ! En fait, on est traité comme des internes à tous points de vue : c’est un peu comme un « Faisant Fonction d’Interne » de longue durée.
Aux Pays-Bas, la spécialisation en santé publique dure 4 ans, ou plus longtemps si tu choisis de la faire à temps partiel, en travaillant moins de 5 jours par semaine, ce que beaucoup de gens font (c’est facile à mettre en place car on est payé à l’heure).
Au début, tu choisis une Direction de santé publique, et tu étudies une surspécialisation pendant 2 ans dans des agences ou instituts publics. Les 2 années suivantes se concentrent sur la santé publique globale, par exemple les normes et politiques de santé.
La surspécialisation que j’ai choisie pour les deux premières années est Infectious Disease Control : nous gérons des maladies infectieuses via la détection, la prévention et le contrôle des infections, par exemple en conseillant des vaccinations. Les autres directions sont :
• Médecine Environnementale Médicale – S’occupe des effets des facteurs environnementaux sur la santé (pollution de l’air, bruit, substances dangereuses).
• Soins de Santé pour les Jeunes – Se concentre sur le suivi et la promotion de la santé des enfants et adolescents à travers des soins préventifs et des interventions précoces. C’est l’équivalent de la « Protection Maternelle et Infantile » chez vous, et c’est le plus gros employeur pour les médecins de santé publique.
◦ Médecine du Donneur – Se spécialise dans les aspects médicaux et éthiques du don d’organes, de tissus et de sang, assurant la sécurité des donneurs et la qualité des dons.
◦ Contrôle de la Tuberculose – Se concentre sur la prévention, la détection et le traitement de la tuberculose, y compris le traçage des contacts et les interventions de santé publique.
◦ Médecin Confidentiel – Travaille avec des individus vulnérables, comme les victimes de violences ou de maltraitance, en réalisant des évaluations médicales et en conseillant des organisations comme les services de protection de l’enfance.
Nos stages peuvent durer de 4 semaines à plus d’un an. En tant qu’internes de santé publique, nous ne sommes pas liés à une université, mais à un institut privé à Utrecht, la Netherlands School of Public & Occupational Health (NPSOH), qui supervise nos choix de stages. Cet institut organise également un jour de formation (obligatoire) par semaine pour tous les internes de santé publique : il s’agit de modules de quelques mois, en lien avec le niveau d’étude et la surspécialisation.
Batiment NSPOH
TC Quels stages as-tu déjà réalisés ?
FDG J’ai effectué 2 stages dans les instituts de santé publique municipaux d’Amsterdam et de Haarlem. Dans ces instituts il y a 3 départements de maladies infectieuses : la clinique des infections sexuellement transmissibles (IST), la clinique des voyageurs, et le département de veille et de sécurité sanitaire (qui est pour vous au sein des ARS). A la clinique des voyageurs, les clients sont d’abord pris en charge par des infirmiers, et le médecin est là en supervision (par exemple, si un client immunodéprimé a une contre-indication aux vaccins vivants atténués ou doit recevoir un autre schéma vaccinal). On leur donne l’appellation de « clients », plutôt que de « patients », dans le sens où ils ne viennent pas en tant que malades.
D’autres stages que j’ai effectués : chez Streeklab GGD Amsterdam, un laboratoire lié à l’institut de santé publique municipal d’Amsterdam ; au centre national de référence pour les maladies infectieuses et pour la protection de l’environnement aux Pays- Bas (le RIVM) ; à l’ARS Normandie, sur un projet d’amélioration du taux de vaccination contre la grippe et le COVID chez les professionnels de santé, par des enquêtes qualitatives sur les freins à la vaccination et l’élaboration d’une stratégie avec des structures comme les CPTS.
TC Comment en es-tu arrivée à te spécialiser en santé publique ? La santé publique est-elle populaire chez les étudiants en médecine néerlandais ?
FDG Au début de mes études, je savais que je ne voulais pas me spécialiser dans un hôpital. J’ai hésité à devenir généraliste, mais il me manquait l’aspect prévention, car il n’y avait pas assez de temps par patient. Lors d’un stage en dermatologie, j’ai passé une matinée dans une clinique des IST, et ce fut une révélation pour moi, de savoir que je pouvais travailler en dehors de l’hôpital, dans le domaine de la santé publique. Je préférais l’ambiance. Déjà à la fin de mes études de médecine, j’ai effectué mes stages dans cette clinique des IST, j’ai obtenu mon diplôme en 2020 pendant le COVID, et j’ai commencé en tant que médecin COVID, non pas en clinique, mais en supervisant le traçage des contacts au sein de l’institut de santé publique municipal (comme les Délégations Départementales des ARS, je suppose).
Comme je te disais, il est très courant aux Pays-Bas de ne pas faire directement sa spécialisation après l’obtention du diplôme. La plupart des gens ont quelques années d’expérience en tant que médecin « de base » dans les hôpitaux ou ailleurs, avant de commencer leur spécialisation.
La santé publique n’est pas très populaire, sauf pendant le COVID. Mais depuis un an, il y a une campagne nationale pour encourager les étudiants à devenir médecins en dehors des hôpitaux : une plateforme en ligne (https://www.nextleveldokter. nl/) fournit aux étudiants en médecine et aux médecins « de base » des informations pour s’inspirer et découvrir d’autres métiers de la médecine qui leur conviendraient. L’image des médecins de santé publique n’est pas la plus « sexy », mais en même temps, il y a beaucoup d’attention ces derniers temps parmi les jeunes médecins qui souffrent d’épuisement dans les hôpitaux et cherchent un meilleur équilibre travail-vie personnelle, qui est généralement plus sain dans la santé publique par rapport aux emplois hospitaliers.
TC Quelles sont certaines des meilleures
expériences et opportunités que tu as eues ?
FD G C er tain em ent le s e xp érien c e s internationales ! Assister aux SpringMeetings d’Euronet chaque année. Et travailler en France fut vraiment une occasion d’expérimenter les différences dans les systèmes de santé publique et aussi de découvrir des différences culturelles dans le travail : par exemple, j’ai été impressionnée par la collaboration entre les médecins généralistes grâce aux CPTS en France. Cela permet aussi aux médecins généralistes d’initier des projets avec l’ARS.
TC Peux-tu nous parler de ton implication
associative ?
FDG Depuis cette année je fais partie du Comité International, au sein du LOSGIO (le CLISP néerlandais, ndlr). Nous sommes 8 internes qui accompagnons les internes qui veulent faire des stages à l’étranger, et nous maintenons le contact avec Euronet. Je fais aussi partie d’un tout nouveau comité national pour la santé planétaire au sein de l’association des médecins de santé publique spécialisés dans les maladies infectieuses (la NVIB), qui a pour objectif de promouvoir la qualité de la lutte contre les maladies infectieuses aux Pays-Bas.
TC Quels sont tes projets de carrière en tant que médecin de santé publique ?
FDG Les deux dernières années de stage se font généralement dans le même lieu, pour moi ce sera au SOA AIDS Nederland (qui est partenaire de SIDAction je crois). Je passerai donc la seconde moitié de ma spécialisation avec cette organisation néerlandaise visant à optimiser les soins liés aux IST, mais aussi avec des partenaires internationaux et des objectifs mondiaux. Je réfléchis à déménager en France lorsque je serai spécialisée, et vivre et travailler là-bas. C’est excitant ! Je compte continuer à me concentrer sur les maladies infectieuses dans un cadre international et contribuer à la santé planétaire. J’aimerais travailler pour les individus vulnérables qui, dans le domaine de la santé publique, sont souvent les premiers à être marginalisés.
TC Dernier mot : un conseil pour les nouveaux internes en santé publique ?
FDG La santé publique est une discipline magnifique et vaste, cherche ton propre sujet au sein de la santé publique pour lequel tu es passionné, et profite du fait qu’en tant qu’interne, tu as la possibilité de découvrir différents types d’institutions : alors choisis celles qui t’intéressent, car tu n’auras peut-être jamais plus l’occasion de travailler pour elles !
Interview d’Erica FOUGERE, Epidémiologiste à la Cellule Régionale Auvergne-Rhône-Alpes (Santé publique France)
Mission à Mayotte dans les suites du cyclone Chido, Janvier – Février 2025
Propos recueillis par Tasnim Fareh
TF Bonjour Erica, peux-tu te présenter ?
EF Cela fait maintenant plus de 10 ans que je travaille à Santé publique France en tant qu’épidémiologiste. Arrivée à Lyon en Cellule Régionale depuis plus de 8 ans, je travaille essentiellement sur des sujets infectieux, y compris les émergences, mais aussi sur les maladies en lien avec l’eau. C’est pourquoi depuis septembre 2023, j’avais envie d’aller à Mayotte suite à la crise de l’eau.
TF Est-ce la première fois que tu partais en mission en dehors de la Métropole Française ?
EF Il s’agissait de ma 5e mission. Je suis partie la 1e fois en Afrique de l’Ouest en 2014 pendant l’épidémie d’Ebola en Guinée Conakry.
Ma 2nde mission s’est déroulée en 2017 aux Antilles, 10 jours après le passage de l’Ouragan Irma. J’étais partie pour remettre en place un réseau de médecin Sentinelles, puisqu’il n’y avait plus aucunes données qui remontaient au niveau du ministère. Il fallait donc faire un état des lieux des besoins sur l’île d’un point de vue sanitaire suite à cette catastrophe afin de rapporter ce qui était nécessaire. A cette occasion, j’étais accompagnée d’une équipe de CUMP (cellule d’urgence médico-psy.), constituée de psychologues et de psychiatres afin de mesurer auprès de la population, les traumatismes liés à cet événement.
J’ai aussi eu l’opportunité de me rendre à deux reprises en Guyane : la 1e fois pendant la première vague Covid-19 en juillet 2020 (avec une équipe d’infirmiers qui réalisait la vaccination) et la 2nde, pour renforcer l’équipe de Santé publique France sur place dans la réalisation de la surveillance d’autres pathologies (paludisme…) que celles sur lesquelles j’ai l’habitude de travailler en Auvergne- Rhône-Alpes (ARA).
Epidémie d’Ebola, 2015
TF Avant cela quel a été ton parcours et ta formation ?
EF Diplômée d’un master en évaluation et gestion des risques en santé, j’ai effectué mon stage de fin d’études sur une évaluation d’impact de la pollution atmosphérique à l’Institut de Veille Sanitaire (InVS) devenu en 2016 l’agence nationale de santé publique « Santé publique France ». J’ai toujours eu l’envie de rester dans cette agence parce qu’il y avait un accès à la formation qui était important. Après avoir commencé mon parcours professionnel dans le secteur du médico-social, j’ai rejoint l’agence à Montpellier sur des thématiques environnementales comme la pollution. Rapidement, j’ai trouvé un poste au niveau national et j’ai travaillé à l’international. J’ai occupé un poste de veille internationale, qui consistait à screener la presse à l’international pour voir potentiellement quelle maladie pouvait arriver sur le territoire. Le but étant de produire chaque semaine un bulletin épidémio. à destination des infectiologues afin de leur partager les éventuelles maladies circulant dans le monde utiles pour les diagnostics différentiels. J’ai aussi contribué au niveau national au dispositif de surveillance des urgences, des associations SOS Médecins et de la mortalité (CépiDC), appelé SurSaUD®, mis en place depuis 2003 suite à la canicule.
En 2015, ma mission en Guinée m’a redonnée envie de travailler au plus près des partenaires, soit au niveau régional après avoir eu la chance de côtoyer et de comprendre le fonctionnement du niveau national (articulation avec le ministère de la santé et les différentes agences sanitaires Anses, IRSN…). La région Auvergne-Rhône-Alpes était une région où j’y avais réalisé mes études sur le campus de Clermont-Ferrand. Je trouvais cette région particulièrement attrayante de par la diversité de ces territoires notamment avec à la fois de la ruralité et des zones beaucoup plus urbaines où les problématiques ne sont pas abordées de la même manière. Pour moi qui déteste la routine, ça me paraissait intéressant d’être amenée à gérer différentes situations en fonction du type de territoire/population auquel j’allais être confrontée.
J’ai ainsi continué à prendre en charge les maladies émergentes (appétence conservée du niveau national que j’avais quand même eu la chance de découvrir 2 jours après ma prise de poste, avec l’apparition d’une « maladie mystérieuse » de type fièvre hémorragique – Ebola, en mars 2014). J’ai pu approfondir mes connaissances en maladies infectieuses puisque je suis référente sur la surveillance de la rougeole (prise en charge de 2 grosses épidémies dans la région en 2023 et actuellement), des GEA, du Monkeypox et plus récemment de la tuberculose. A noter également que la région est particulièrement exposée à des alertes alimentaires de par la richesse de son terroir (fromages, charcuteries) et ainsi toutes les infections qui en découlent comme les salmonelles notamment.
Irma, Saint-Martin, 201
TF En tant qu’épidémiologiste, quels sont les axes
de travail les plus importants dans ton métier ?
EF J’aborderai 3 grands points clés sur l’ensemble de ma carrière. Tout d’abord la formation, il est essentiel pour moi de partager mon expérience que ce soit auprès des internes, des stagiaires qui sont régulièrement accueillis dans mon équipe ou encore de participer à de la formation continue (DU Santé, Solidarité, Précarité suivi à la faculté de médecine de Grenoble en 2023).
Le 2nd point concerne l’aspect terrain et les missions. Avec par exemple, l’animation du réseau de santé avec les partenaires en ARA (ex. : tuberculose), mais aussi le fait de partir en mission pour aller à la rencontre des populations pour se faire une opinion de la réalité du vécu des personnes qui n’est pas celle qu’on peut avoir derrière notre écran. C’est quelque chose qui me plaît car finalement c’est très différent du travail que l’on peut faire au quotidien. On revient à des choses assez simples mais il y a ce lien humain, où on apprend beaucoup sur soi mais surtout des autres. Ces expériences m’ont fait grandir à chaque instant, professionnellement et personnellement. J’ai donc besoin de repartir régulièrement pour vivre cela ! Avec mes expériences passées, je n’avais d’ailleurs plus du tout le même regard lors de mon séjour à Mayotte. En effet, grâce à mes compétences approfondies, j’ai pu aller plus vite sur certaines choses parce que j’avais déjà vécu cela sur d’autres territoires, dans d’autres contextes.
Le dernier point c’est qu’au bout de 10 ans, j’ai décidé d’orienter ma carrière sur les publics précaires. J’avais besoin de mieux comprendre les spécificités et les besoins de ces populations dans ma pratique. J’ai donc suivi ce DU qui existait depuis une vingtaine d’années. Il a longtemps été dirigé par le président d’Action contre la Faim ; des ONG nationales (Médecins du Monde, la Croix- Rouge) intervenaient ainsi que le tissu associatif grenoblois très fournis dans son genre. Mayotte a donc été pour moi une continuité sur cet aspect précarité. Pour finir, je participe à un travail interne à l’agence sur une réflexion portant sur l’indicateur
« origine ». L’idée étant de proposer des questions
à introduire dans des enquêtes et/ou des systèmes de surveillance en santé afin d’avoir une vision plus fine de ce qui peut être observé plus spécifiquement pour ces populations.
TF Dans quel contexte et pourquoi es-tu partie à Mayotte ? Comment cela s’est passé ?
EF Le 14 décembre 2024, le cyclone Chido frappe l’île de Mayotte, département français d’Outre-Mer. Une situation de crise se met alors en place et une demande de renfort en soutien aux collègues sur place se dessine au sein de l’agence. Suite à cet appel, je me porte volontaire dans ma direction.
TF C’est la Cellule Régionale Mayotte que tu rejoins ?
EF Exact, donc en fait à Mayotte comme à Lyon, il y a une équipe régionale. Celle-ci a été mise en place en 2016 (année de fusion de l’InVS, l’INPS et l’Eprus devenu aujourd’hui La Réserve Sanitaire). Il s’agit d’une petite équipe sur place et l’idée c’était d’aller les épauler et leur permettre de souffler dans ce contexte difficile. Certains collègues avaient tout perdu.
Alors dans un premier temps, on envoie des gens qui sont déjà partis parce que c’est quand même des contextes où il faut être rapidement opérationnel, il faut s’adapter et c’est souvent assez déstabilisant. Mayotte en était le reflet ! Et toutes ces difficultés auxquelles on est confronté dans ces moments font de ces endroits, des lieux extrêmement attachants.
Je ne savais pas trop à quoi m’attendre par rapport à ce que j’avais déjà vécu en Afrique, aux Antilles et en Guyane. Effectivement, c’était très différent, au départ, j’avais un peu de mal à mettre des mots sur ce que je voyais/vivais.
Citernes à eau, Mayotte
Rampe d’eau potable, Mayotte
World Central Kitchen, Mayotte
TF Quelles étaient les grandes problématiques qu’affrontaient la population sur place ?
EF La problématique de l’eau est très forte sur l’île
et ce avant Chido.
Suite au passage du cyclone et la destruction des habitats (Banga : habitations en tôles), les conditions d’hébergement étaient assez chaotiques ; 2 mois après le cyclone, les habitants étaient épuisés.
Ils avaient aussi très faim. Je garde en tête sur une sortie où j’avais à faire à un public en situation d’irrégularité « ce papa qui me regarde et me partage, qu’est-ce que j’offre à manger à ma famille aujourd’hui ? ». L’association World Central Kitchen était présente sur l’île, mais bien évidemment malgré un nombre colossal de repas fournis / jour, cela restait insuffisant !
Cette association intervient aussi sur des territoires comme Gaza et même dans certains Etats aux États-Unis, c’est assez incroyable ce qu’ils font.
Les 3 grandes problématiques c’était donc l’eau, le sommeil et l’alimentation. Mais il y avait bien d’autres sujets que j’aurais pu aborder.
TF Et alors qu’elles étaient tes missions là-bas ?
EF Relancer les systèmes de surveillance existants avec par exemple les données des urgences. En effet, il n’y avait plus de codage des diagnostics, donc on travaillait avec des réservistes épidémiologistes mis à disposition de la Cellule Régionale, qui se rendaient chaque jour au CHM de Mayotte pour y récupérer les informations disponibles sur les passages quotidiens via une interface.
On a aussi relancé les pharmacies pour suivre la consommation de certains médicaments (anti-diarrhéiques) pour notamment regarder la dynamique des GEA et le réseau des infirmeries scolaires (collège et lycée) pour avoir un aperçu des difficultés remontées chez les jeunes depuis la reprise de l’école.
Faire de la Santé à Base Communautaire avec des associations sur place qui mettaient à disposition des médiateurs. Les médiateurs sont le plus souvent de jeunes mahorais qui connaissent le territoire, comprennent la langue locale mais aussi les comportements de la population. Ce sont des relais et ils servent d’interprétariat. Il est extrêmement important de se reporter à ce genre d’associations présentes sur le territoire pour
« aller-vers » la population.
Echanges avec les médiateurs, SBC, Mayotte
TF Peux-tu nous en dire plus sur la Santé à Base
Communautaire (SBC)?
EF On partait surtout faire des maraudes avec des médecins pour des premiers soins. Il y avait beaucoup de gens blessés par la reconstruction des habitats en tôle et de la bobologie pour les enfants qui appréciaient qu’on prenne soin d’eux. Parfois les soignants faisaient des soins aux enfants parce qu’on sentait que c’était réconfortant pour eux. Les enfants disaient « ah je suis griffé ici », et c’était bien de leur mettre un petit pansement qui leur redonnait le sourire. C’est important de le prendre en considération, car globalement les enfants étaient moins joyeux depuis Chido ! Après, on rencontrait des symptômes type maux de tête, souvent dû aux conditions dans lesquelles ils vivaient (chaleur, manque de sommeil et manque d’eau).
C’était aussi important de leur expliquer d’aller dans des centres de soins, appelés dispensaires. Mais pour cela, il fallait qu’ils aient les moyens d’y aller. Parce que même si la SBC c’est principalement de
« l’aller-vers », il faut aussi parfois que ce soit du
« ramener-vers » donc les accompagner parce qu’ils n’iront pas forcément d’eux-mêmes. A Mayotte, la problématique des sans-papiers vient s’ajouter avec la peur qu’en allant sur des lieux de ce type la police vienne les chercher pour les évacuer.
Voilà, un aperçu très succinct de la SBC en tant qu’ épidémiologiste avec ce rôle d’observation très important pour mieux comprendre les besoins de la population locale afin d’apporter au plus près les ressources nécessaires en soins, alimentation, eau…
Soins donnés en SBC, Mayotte
TF Et ta troisième mission ?
EF Ma troisième mission consistait à investiguer des cas (exemple de la fièvre typhoïde). Durant mon passage sur l’île, une augmentation des cas de fièvre typhoïde était observée. Je me suis donc rendue au centre de l’île dans une zone où il yavait un foyer. Je suis allée sur place avec ma collègue épidémio. qui parlait la langue locale le shimaoré. Pour trouver les cas dans les Bangas, il fallait prévoir du temps et surtout avoir la chance de rencontrer les bons interlocuteurs dans les villages qui nous mènent à l’endroit recherché. En effet, le système d’adresse est différent, on fonctionne plus par quartiers et le réseau téléphonique n’est pas très fiable. Donc au final, on se repère avec les gens présents sur place que l’on rencontre. Parfois cela se passe en une demi-heure, d’autres fois, il faut 2 heures avant d’arriver au bon endroit, parce qu’on vous dit c’est là puis quand vous êtes à l’endroit, on vous dit ah bah non en fait, c’est le quartier de l’autre côté… il faut donc retraverser la rivière, et voilà. On ne sait donc jamais combien de temps cela va prendre pour trouver une personne (les joies de l’investigation de terrain…) !
Une fois au bon endroit, on commence l’interrogatoire pour identifier notamment les contacts à risque et derrière pouvoir anticiper la vaccination. Et là, on remonte les besoins à une équipe ARS qui prendra en charge cette action.
TF Quels étaient les maladies que tu rencontrais ?
EF Le plus fréquemment c’était la typhoïde pour laquelle la rivière / les points d’eau avaient été identifiés comme source de contamination. L’activité quotidienne des femmes et des enfants était essentielle autour de ce lieu. Les enfants se lavaient, y jouaient etfaisaient leurs besoins ; les femmes lavaient le linge et préparaient à manger. Ainsi, on comprenait d’où la contamination partait.
TF Et en ce qui concerne le Choléra ?
EF Le seul cas qu’il y avait eu au moment où j’étais présente, était un choléra importé en lien avec un voyage. Il s’agissait d’une famille relativement aisée qui s’était bien isolée sans diffusion par ailleurs.
La plus grande crainte sur l’île en termesde propagation d’une maladie restait le choléra. En effet, dès qu’il y avait un TROD + au choléra et que la personne n’avait pas voyagé, on s’attendait compte-tenu des conditions de vie que le risque de diffusion soit rapide. Il y avait aussi le chikungunya mais je ne vous en parlerai pas (épidémie en cours sur l’île de La Réunion).
TF En tant qu’ épidémiologiste, quelles compétences devais-tu mobiliser dans ce genre de situations ?
EF Je pense qu’on a vraiment sur le terrain un rôle d’observation globale « ouvrir les yeux et chercher ce qui interpelle, car si ça interpelle c’est peut-être qu’il faille creuser ». En regard des symptômes qui peuvent être rapportés, il faut essayer de comprendre, de faire des liens, de voir à quoi ça peut être dû, trouver la cause.
TF Qu’est-ce que t’a apporté cette mission, et en général toutes les missions que tu as vécues sur des terrains comme celui-ci ?
EF Alors je crois qu’en fait c’est devenu indispensable pour moi au fil des années. Je pars à peu près tous les 2 ans et demi. Dans le quotidien en région, même si on a des alertes régulières, on n’a beaucoup moins l’occasion d’aller sur le terrain et d’avoir ce lien fort avec l’humain. Bien évidemment, j’aime être en lien avec les partenaires mais le rapport que l’on a avec la population n’est pas le même et reste très différent. Je dirais que dans ce genre de mission, il y a cette dimension d’humanité que l’on a moins au quotidien ! Je pense aussi que j’adore côtoyer d’autres cultures, c’est tellement enrichissant de voir d’autres modes de fonctionnement, d’autres façon d’aborder la vie tout simplement. Humainement c’est toujours très intense avec de magnifiques rencontres qui restent à jamais gravées dans les cœurs. Quelques fois, il n’y a pas forcément d’échanges verbaux parce qu’on ne parle pas la même langue, on s’exprime avec les mains, on essaie de se comprendre, on échange des sourires, des touchers et il y a ces regards, qui me donnent envie d’y retourner à chaque fois. Et puis, il y a aussi ces moments de partage entre collègues, partage d’expériences, ceréseau qu’il est agréable d’entretenir. Retrouver des personnes rencontrées dans d’autres circonstances des années auparavant, ces profils qui nous ressemblent et qu’on côtoie moins chaque jour, croyez-moi cela fait chaud au cœur ! Voilà pour ce petit partage qui me tenait à cœur, l’importance peut- être aussi pour moi de donner du sens à ces données que l’on analyse à longueur de journée derrière nos ordinateurs. Merci Tasnim pour ton écoute et tout l’intérêt accordé à ce travail que j’aime tant. Et Merci Mayotte pour cette belle découverte !
Interview d’Audrey Gooris, interne d’Ile-de-France, en thèse au DIM
Propos recueillis par Thomas Cardot
TC Salut Audrey, je suis enchanté d’interviewer ma prédécesseuse au bulletin du CLISP ! Peux-tu te présenter ?
AG Salut Thomas ! Je suis interne de Santé Publique, à Paris en 5e semestre. J’ai débuté messtages à l’Institut Curie, où j’ai travaillé en biométrie sur des analyses quantitatives, notamment des études de survie en cancérologie. Par la suite, j’ai intégré l’équipe de la Communauté Professionnelle Territoriale de Santé (CPTS) du 14e arrondissement, avant de rejoindre deux Départements d’Information Médicale (DIM) parisiens : GHU AP-HP Centre – Université Paris Cité, et GHU APHP Sorbonne Université. C’est dans le second, qui regroupe sept hôpitaux, que je suis actuellement en stage, en cours de finalisation de ma thèse !
TC C’est quoi le sujet ?
AG “In-hospital mortality among older patients in France (2018-2024): Analysis of death determinants before and after COVID-19”. En résumé, mon étude porte sur l’évolution de la mortalité intra-hospitalière chez les patients de plus de 65 ans, avec une analyse détaillée des déterminants de cette mortalité, en mettant un accent particulier sur les changements entre l’avant et l’après pandémie de COVID-19.
Pour cela, j’exploite les données médico- administratives issues du Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI) dans le champ Médecine, Chirurgie et Obstétrique (MCO), accessibles via la plateforme sécurisée de l’ATIH (Agence Technique de l’Information sur l’Hospitalisation). Mon étude est multicentrique et couvre rétrospectivement toutes les hospitalisations enregistrées du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2024, dans l’ensemble des établissements de santé français, qu’ils soient en métropole ou en Outre-Mer, et qu’ils soient publics ou privés. Je vous laisse imaginer la quantité de séjours : plus de 30.5 millions, R Studio n’a pas trop aimé !
TC on entre dans le dur du sujet, là ! Alors, ça consiste en quoi le DIM ?
AG Le DIM, c’est avant tout la production de l’information médicale qui permet de valoriser chaque séjour hospitalier, en assurant que le codage des diagnostics et actes respecte les règles de financement des établissements de santé français. À Sorbonne Université, le codage est décentralisé
: chaque service réalise la saisie des informations à la source, et nous, médecins et techniciens de l’information médicale, veillons à ce que ce codage soit exhaustif et optimisé pour tous les domaines (MCO, PSY, SSR, HAD). Nous utilisons des outils pour repérer les séjours à vérifier, et nous revenons sur le détail de la prise en charge pour ajuster le codage (parfois en valorisant, parfois en dévalorisant), souvent en concertation avec les services concernés. Nous menons aussi des audits à la demande, toujours dans le but d’optimiser la qualité. Car le DIM ne se limite pas à l’aspect financier. Il est véritablement l’interface entre l’administration, la direction, la finance, l’informatique, les services cliniques, le service de santé publique,
l’Unité de Recherche Clinique en économie de la santé, et même le siège de l’AP-HP. Il faut donc savoir parler le langage de chacun et tenir ses positions face aux enjeux souvent politiques de tous ces acteurs.
Les missions du DIM sont extrêmement variées : exploitation des données pour le pilotage et la stratégie hospitalière, recherche (épidémiologie, médico-économie), formation dans les services, participation à l’échelle nationale des coûts (ENC), veille sur les réformes de financement, certification des comptes, gestion des archives et du dossier numérique, identitovigilance, et contrôle de la qualité des soins.
Ce qui attire particulièrement les internes en santé publique, c’est l’accès à une quantité infinie d’analyses statistiques, que ce soit pour répondre aux besoins des cliniciens en local, de la direction, ou pour des études à l’échelle du groupe hospitalier voire nationale via les données remontées par l’ATIH. Mon lieu de stage est très dynamique sur ce plan, sous l’impulsion d’une MCU-PH encadrante et de deux statisticiennes dédiées au service.
TC c’est quoi les enjeux actuels pour le DIM, et pour l’hôpital ?
AG D’une part, il faut continuellement encourager les services àrenseigner de manière exhaustive et précise leur activité afin de garantir, dès le milieu du mois, une transmission fiable des résumés de séjours en fin de mois. La moindre erreur, comme l’absence de codage des actes d’un chirurgien absent, peut impacter l’activité globale d’un service, d’où la nécessité d’une vigilance permanente et d’une collaboration étroite avec les équipes.
D’autre part, il existe un enjeu majeur de recrutement. Le rôle du DIM est peut-être méconnu par les internes, ce qui se traduit par une pénurie de médecins spécialisés en information médicale à l’échelle nationale. Cet enjeu est d’autant plus critique que les déficits des hôpitaux se creusent, d’autant plus que les garanties de financement mises en place pendant la COVID-19 ont cessé, et que les politiques d’économie actuelles ciblent particulièrement les acteurs du système de santé. Le bon fonctionnement de l’hôpital dépend en grande partie des ressources financières, faisant du DIM un maillon essentiel dans la stratégie de pilotage et de financement.
TC Est-ce que l’hôpital va disparaître ?
AG La COVID-19 a effectivement accéléré la diversification des modes de recours aux soins : des alternatives à l’hôpital, surtout en ville (comme la télémédecine), se sont développées, et l’on constate
un sous-recours aux hospitalisations complètes qui perdure en sortie de Covid, en partie à cause du manque de personnel qui freine la réouverture de lits. Toutefois, l’hôpital demeure un concentrateur essentiel de patients, notamment pour ceux ayant des problématiques sociales complexes. Par exemple, les patients « bed blockers » sans domicile fixe mobilisent beaucoup de ressources pour des séjours souvent peu valorisés. C’est pourquoi les politiques de santé commencent à repenser les modes de financement (notamment via une intensification de la dotation populationnelle dans le champ MCO et des financements innovants liés aux articles 51) pour pallier les limites de la T2A. L’hôpital ne va donc pas disparaître, mais il est en pleine transformation pour mieux répondre aux enjeux actuels.
TC Quel est l’avenir du DIM ? Est-il stable malgré l’évolution des formes de financement et le développement de l’IA ?
AG L’avenir du DIM est en pleine mutation. Les modes de financement évoluent, avec notamment le passage progressif à la CIM-11 et une révision des niveaux de sévérité, ce qui modifie profondément notre manière de coder et d’analyser les séjours. Par ailleurs, l’essor de l’intelligence artificielle, avec des projets développés en collaboration avec le siège de l’AP-HP, promet d’automatiser et d’optimiser de nombreuses missions du DIM. Cependant, l’application de ces solutions reste complexe pour les séjours non stéréotypés, où les sources d’information sont dispersées. En résumé, même si le métier du DIM va changer radicalement grâce à ces innovations, il demeure une fonction centrale au sein des hôpitaux, à condition de repenser et d’adapter nos méthodes de travail aux nouveaux outils et modes de financement.
TC Traditionnelle question de fin : un conseil à
partager ?
AG Mon conseil pour les internes souhaitant intégrer le DIM est de ne pas cantonner l’activité du DIM uniquement à la production de l’information médicale. Le DIM offre une palette bien plus large d’activités, allantdel’optimisationdufonctionnementdesservices à la recherche et l’analyse statistique poussée des indicateurs de performance hospitalière. Il est donc essentiel d’orienter son stage selon ses appétences personnelles. Pour ma part, j’ai choisi de développer mes compétences en analyses statistiques sur le versant indicateurs de performance hospitalière et sur le versant de l’épidémiologie, en lien avec mon sujet de thèse, ce qui m’a permis d’aller présenter mon travail au congrès EMOIS à Nancy. Bref, éclatez-vous avec la donnée hospitalière.
PARCOURS D’UN INTERNE
Dimitri Thellier
Certains internes ne prennent pas immédiatement un poste à la fin de leur internat : congé sabbatique, attente d’une prise de poste… On vous présente le parcours de Dimitri, entrepreneur plein de ressources, en attente de son départ au Québec.
Un internat riche en expériences variées :
Dans la subdivision de Limoges, les quelques internes sont seuls. Dimitri n’a croisé ses collègues que 4 fois pendant tout son internat. Malgré ou plutôt à cause de sa riche expérience associative durant son externat (ANEMF, CME, Conseil d’UFR, Corpo, associations d’organisation des soirées médecine et du CRIT…) il s’engage « seulement » comme référent local du CLISP, pour privilégier le temps dédié à sa formation et à sa vie privée
: il passe son master 2 de santé publique en première année d’internat en même temps qu’un stage d’un an en Institut de neuro-épidémiologie et Parasitologie tropicales au CHU. Puis il travaille en administration : ARS Nouvelle Aquitaine en Délégations Départementales (87 et 23) puis au pôle études et statistiques, où il travaille à l’attractivité des carrières des soignants. Enfin vient sa troisième année : il passe un an en entreprise privée à Bordeaux, pour développer des campagnes de prévention et de promotion de la santé sous forme d’Escape Games : il mène des recherches sur la psychologie comportementale, notamment chez les jeunes et dans le monde du travail, s’attelle au développement des solutions, et en fera son sujet de thèse.
Cette expérience a appris à Dimitri à se positionner sur le business de la santé publique.
Par exemple, le choix de thèse est une stratégie pour un interne qui veut travailler en cabinet de conseil : dans le privé, cette cohérence entre le job visé et le sujet de thèse paie. De même : « il est parfois préférable d’effectuer sa 3ème année d’internat(etsathèse) danscequel’onsouhaitefaire comme métier, plutôt que l’année de DJ qui est vue comme professionnalisante principalement par le prisme de l’hospitalo-universitaire ». Cependant, dans la vie professionnelle, « la thèse et les stages sont bien moins importants que le réseau et les compétences réelles. »
Financement des ISP : l’auto-entreprise ?
Rien n’empêche les internes de construire leur micro-entreprise en même temps que l’internat, car « nous n’avons pas réellement de contrat de travail », et le code de la santé publique, qui régit la fonction d’interne ne précise aucune limite sur les activités indépendantes hors remplacement médical. En revanche, notre emploi par l’hôpital public restreint notre accès à une autre activité salariée.
Pour sa part, Dimitri a commencé par aider bénévolement d’autres internes en méthodologie et statistiques durant son internat, sur le groupe Facebook Internes de France. Cela permettait d’accroître son expérience tout en aidant ses pairs (car aucune formation n’est donnée à Limoges en DES de Santé publique, en dehors des masters : il faut être autodidacte). La demande très importante a fini par nécessiter d’établir des contrats avec certains internes qui ne reconnaissaient pas toujours la valeur de ce travail.
Ce parcours a bien évolué depuis, avec même
une page de ressources en ligne (cf QR code) :
« j’ai commencé par sous-traiter de la méthodo et des biostats à raison de 2 ou 3 heures par semaine pendant l’internat. Aujourd’hui, après avoir contribué à plus d’une centaine de thèses, de mémoires et d’articles, je me recentre maintenant sur le consulting et la formation pour des entreprises et institutions, notamment à l’international ».
Dimitri note cependant des difficultés en 2025, pour trouver des contrats à la fois utiles à la santé des populations et lucratifs, les tensions géopolitiques s’intensifiant. « Je n’ai pas encore eu de gros contrat BtoB (business to business) Dans ce domaine, il faut 6 à 12 mois pour bosser ensemble avec des partenaires bien établis, si c’est pas juste de la sous-traitance sur des appels d’offres d’ONG ».
Financement des ex-ISP : quelles aides publiques
?
Le chômage pour les (ex-)internes, c’est non. A la différence des autres systèmes d’alternance.
« Même si je n’ai trouvé aucun article de loi qui empêchait les CHU de fournir l’assurance perte d’emploi (APE) à leurs internes, il semblerait qu’aucun CHU n’y souscrive ». Par conséquent aucune année de travail, de l’externat au DJ, n’ouvre accès à une indemnisation. La seule allocation accessible directement dans cette situation est le RSA : en s’inscrivant, on est alors obligatoirement inscrit à France travail (depuis le 1er janvier 2025), qui propose parfois des postes ouverts aux MSP.
« La CAF va alors vous demander pourquoi vous n’avez pas « demandé le chômage » avant de demander le RSA… il faut alors de longs mois et des échanges de courriers pour leur expliquer. La même démarche sera demandée par France Travail. Malgré une nouvelle réglementation du RSA, qui permet d’en bénéficier même quand on est au régime de la micro-entreprise, en fonction de vos autres revenus et éventuel patrimoine, le RSA pourrait vous être refusé. Le temps qu’une analyse complète de votre statut particulier vous permette d’y avoir droit, il se sera alors passé plus de 6 mois sans allocation ».
Cela dit, si vous aviez, comme Dimitri, une micro- entreprise (qui génère des revenus humbles assez aléatoires car il est difficile d’y dédier beaucoup de temps pendant son DES), il est toutefois possible que vous ayez droit à une prime d’activité d’environ 90€ par mois une fois votre DES terminé.
Un peu de lumière néanmoins au bout du tunnel, du fait du temps libre accru après la fin du DES vous pouvez trouver une activité rapidement si vous ne craignez pas de bouger en France, et vos revenus de micro-entreprise peuvent bien augmenter en y dédiant plus de temps. Pour l’activité salariée, il y a plein d’offres d’emploi dans le privé mais elles ne sont pas centralisées sur un site : « il faut chercher, moi perso j’ai découvert certaines offres via le site de France-Travail. Souvent tu trouves directement sur le site de l’employeur, mais encore faut-il connaître ou trouver les employeurs potentiels. Pour les activités micro-entreprise, telles que des stats et de la méthodo ou du proof reading, tu peux aller sur les sites de freelance. Si tu veux par contre faire du conseil en mode cabinet de conseil c’est surtout du réseautage ».
Prise de poste comme médecin de santé publique
au Québec
Dimitri a été embauché comme médecin de santé publique au Québec, dans l’équipe dédiée à la jeunesse de la Direction de la santé publique de Montréal : il aura des missions d’expertise technique sur la prévention et la protection des populations de 0 à 25 ans. Il n’a cependant pas encore de date de prise de fonction.
Pour pouvoir travailler au Québec, une fois le poste garanti par l’employeur, il faut passer des équivalences : pour ce poste, il s’agissait d’examens écrits et oraux avec des médecins de santé publique québécois, et un stage de 14 semaines. Ce délai était acceptable pour Dimitri, d’autant que cette formation onéreuse peut éventuellement être financée par des “bourses”.
Cependant, une récente réforme du système de
Les services déconcentrés de l’état :
Les ARS proposent de même de nombreuses offres de postes de conseillers médicaux. Cependant « en 2025 ils n’ont aucun budget pour recruter, donc aucun médecin contractuel ne sera embauché malgré la demande énorme de postes…. Donc grosso modo quand on voit une annonce de l’ARS qui recherche un médecin… ça ne sert à rien de perdre son temps à postuler dessus si on ne cherche qu’un poste temporaire ». En revanche, il est toujours possible d’y envisager une carrière. Même si l’existence des ARS est un sujet hautement politique actuellement, en cas de suppression des ARS par les pouvoirs politiques, d’autres moyens de gestion du système de santé seraient trouvés et les employés seraient probablement réaffectés.
santé québecois (réforme Dubé) a créé l’Agence
Santé Québec, désormais recruteur unique des 350 000 employé-e-s du réseau public de la santé et des services sociaux. Cet événement a conduit
à retarder de plusieurs mois la prise de poste de Dimitri. Il a donc eu le temps d’étudier d’autres débouchés temporaires.
Débouchés professionnels temporaires que Dimitri a pu étudier :
La fonction publique territoriale doit combler ses ETP manquants :
Les collectivités territoriales et les hôpitaux ont pléthore d’annonces pour recruter des médecins avec activité clinique type PMI ou MDPH, ouverts aux médecins de santé publique, mais les salaires sont tellement peu attractifs que peu de médecins prennent ces postes. Ceux qui les prennent sont souvent des jeunes parents car il est plus facile d’y négocier un temps partiel et les jours de congés (et RTT) y sont plus nombreux que dans le privé. Un tiers des internes de la promotion de Dimitri en Nouvelle-Aquitaine avait un poste attendu en médecine scolaire ou préventive, qui nécessite de bien maîtriser la pratique clinique et le médico- légo-administratif lié à cette population. Le salaire varie entre 3500 et 5000€ brut par mois (en comptant les primes et indemnités) pour 35 à 39h de consultations par semaine.
Site dimitri :
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REPRÉSENTANTS DES SUBDIVISIONS
Île-de-France
Paris Camille Reinaud paris@clisp.fr
Nord-Est
Besançon Justine Rousse besancon@clisp.fr
Dijon Prescilla Nunes dijon@clisp.fr Nancy Medhi El Azrak nancy@clisp.fr Reims Peter-Joe Noujaim reims@clisp.fr
Strasbourg Nathan Miraillet strasbourg@clisp.fr
Nord-Ouest
Amiens Guillaume Mismacque amiens@clisp.fr
Caen Benoît Martinez caen@clisp.fr
Lille Salomé Bonnier lille@clisp.fr
Rouen Elisa De Taevernier rouen@clisp.fr
Ouest
Angers Aymeric Cadic angers@clisp.fr Brest Caroline Clabecq brest@clisp.fr Nantes Lucie Cadon nantes@clisp.fr Rennes Rudy Organini rennes@clisp.fr Tours Marie Vieillot tours@clisp.fr
Rhônes-Alpes et Auvergne
Clermont-Ferrand Alixia Bufferne clermont-ferrand@clisp.fr
Grenoble Christos Tsamasiotis grenoble@clisp.fr
Lyon Monia Mehalla lyon@clisp.fr
Saint-Étienne Diva Beltramin saint-etienne@clisp.fr
Sud-Ouest
Bordeaux Lucas Balihaut bordeaux@clisp.fr
Limoges Dimitri Thellier limoges@clisp.fr
Antilles, Guyane Alexandre Fourney antilles-guyane@clisp.fr Océan Indien Antoine Tisseaux ocean-indien@clisp.fr Poitiers Gwladys Bareth poitiers@clisp.fr
Sud
Marseille Sofia Beretta marseille@clisp.fr
Montpellier Mélissa Moucheboeuf montpellier@clisp.fr
Nice Laure Hermet nice@clisp.fr
Toulouse Mathilde Mongeau toulouse@clisp.fr
CLISP – Collège de Liaison des Internes de Santé Publique 17, rue du Fer à Moulin – 75005 Paris
www.clisp.fr • contact@clisp.fr
Rédacteur en chef : Thomas Cardot – bulletin@clisp.fr
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– Avril 2025 -]